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vit ainsi se terminer la guerre avec la Chine. Quant à la Corée, Japon et Russie continuèrent à y lutter d’influence. Le gouvernement coréen, se sentant menacé entre ses deux voisins si désireux de faire, chacun à leur manière, le bonheur du pays, essaya bien de se soustraire au sort qui le guettait en proposant la reconnaissance internationale de la neutralité de la Corée. Les deux Puissances furent hostiles à cette solution ; chacune d’elles voulait se réserver l’avenir. Les discussions diplomatiques continuèrent sans jamais arriver à empêcher de nombreux froissemens. Dès lors, il était à prévoir qu’un jour viendrait où cette rivalité prendrait une forme aiguë.

En prévision de ce jour, le Japon conclut, en 1902, son alliance avec la Grande-Bretagne. Les deux contractans s’engageaient-à garder une stricte neutralité si l’un d’eux se trouvait impliqué dans une guerre avec une autre Puissance au sujet de la Chine et de la Corée, mais aussi à « faire tous ses efforts pour empêcher d’autres Puissances de prendre part aux hostilités contre son alliée. »

Le Japon circonscrivait ainsi le champ où, le cas échéant, il aurait à se mesurer avec la Russie. Deux ans plus tard, le moment parut venu de trancher le différend par la force. Après de longues négociations, la guerre éclata par l’attaque soudaine des vaisseaux russes à Port-Arthur. L’armée japonaise débarqua en Mandchourie et y vainquit l’armée russe. L’habileté guerrière, la science militaire, la bravoure des soldats du Mikado s’imposèrent à l’admiration du monde étonné. Le Japon sortait grandi de cette guerre. Il prenait rang parmi les premières Puissances. Port-Arthur lui revenait par droit de conquête, et il s’installait solidement dans cette base maritime, développait le grand port voisin de Dalny.

Quant à la Corée, c’était maintenant un jeu pour le Japon d’y faire sentir sa force et bientôt d’y dominer. Des flots d’immigrans venus des îles du Soleil-Levant se déversèrent dans les campagnes coréennes, d’autres allèrent s’installer dans la Mandchourie méridionale. Des complications surgirent aussitôt dans le personnel du gouvernement coréen. La reine périt tragiquement. Le pouvoir valétudinaire de ce pays arriéré devait céder la place à une main plus forte et plus savante. Aujourd’hui, l’indépendance de la Corée n’est plus qu’un souvenir. Ses palais royaux sont déserts, abandonnés par les Japonais, et