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lignes avec des plans photographiques. Ensuite nous éprouvons la valeur de ses renseignemens. A moins que dans la nue, soudain, ne transparaissent, ne s’épaississent, ne se dégagent les lignes d’un second aéronef rapide et dardé vers l’aviatik qui plane en esquissant de larges cercles, en descendant jusqu’à laisser ouïr le bourdonnement de son moteur, jusqu’à laisser voir l’astre de son hélice, jusqu’à terrifier les chevaux de la prairie, jusqu’à chasser vers les fermes les grand’mères craintives pour la promenade titubante des marmots. Bientôt l’odieux insecte aperçoit le vengeur qui, derrière un halo, se précipite, qui s’élève et gagne de la hauteur, afin de surplomber. L’aviatik alors, faisant agir le gouvernail d’altitude, monte aussi vers le zénith. Voici le duel. Plusieurs minutes, les deux insectes se hissent rapidement, face à face. Ainsi deux coqs au combat volent l’un contre l’autre pour s’assaillir du bec et de l’éperon. Ils se rapprochent en se dirigeant vers le sommet de l’angle dont leurs ascensions suivent les lignes. Coup sur coup, les deux bêtes fulgurent. L’espace est parsemé d’or et de feu. D’en bas, on croirait ouïr le crépitement des mitrailleuses. Elles s’acharnent. Les insectes montent encore. Ils pétillent. L’un fuit. L’autre poursuit. Tour à tour ils se surplombent. Ils s’encerclent. Ils pénètrent la contrée de nuages grisâtres et gris. Tantôt visibles, tantôt confondus avec les brumes, les deux monstres projettent leurs feux de meurtre. Ils deviennent plus ténus. Ils montent toujours. Ils s’amincissent. Ils s’effacent dans les vapeurs qu’emporte le vent, et dont la grande ombre parcourt la plaine.

De la terre, on ne distingue plus rien. Chacun imagine les transes, les angoisses, les énergies des quatre hommes en lutte là-haut, qui vont chavirer, tomber vers la terre grossissante et mortelle. — Les ennemis ? — Les amis ? Ou bien vont-ils se fuir indemnes très loin, par-dessus les nuages ? — Sans doute. Seule, la course de géans variables et boursouflés emplit le ciel. En bas les artilleries tonnent. Les échos grondent à l’horizon. La vitesse de l’acier broie l’air qui frémit au loin et tremble partout, que des masses traversent en retentissant comme les express à travers des gares, tandis que les soldats se dispersent ou se vautrent avant que l’explosion ne rejaillisse avec les pierres, les éclats la colonne de fumée noire.

Or, de là-haut, quelque chose de vague et d’ailé se précipite en tournoyant. Cela grandit. C’est l’insecte aux élytres crochus,