Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compatriotes chassés. Symbole éloquent, « dédié aux internés. » Ils ne s’y sont pas mépris, ils y ont vu tout le cœur de la Suisse, offert aux nôtres. Une des jeunes femmes du convoi, dont le petit garçon s’était emparé de la carte postale, la lui a doucement reprise des mains, et, l’enveloppant précieusement, lui a dit : « Ne joue pas avec ça, c’est un souvenir… »

Me voici à Fribourg, ville où les sentimens francophiles se sont donné libre carrière dès le début des hostilités. Si bien que, depuis quelque temps, l’accès de la gare est interdit à la population, dont l’enthousiasme sympathique pour les capturés civils menaçait de prendre couleur d’émeute.

Sa Grandeur Mgr Bovet, évêque de Lausanne, réside ici. Il préside le Comité qui a obtenu des autorités allemandes l’entrée pour un prêtre suisse dans les camps de prisonniers de guerre afin d’y répartir des secours. M. l’abbé Dévaud a déjà parcouru toute l’Allemagne du Nord et constaté que, si l’organisation matérielle des locaux s’est améliorée depuis le début de l’année 1915, les prisonniers se plaignent unanimement de l’insuffisance de la nourriture, qualité et quantité, et surtout du manque de pain. D’ailleurs, les cartes et les lettres que nous recevons journellement en France ne disent pas autre chose. Et ce besoin est si indiscutable que les autorités allemandes elles-mêmes ne cherchent pas à le nier, bien que certaine réponse du ministère de la Guerre de Berlin ait voulu nous faire croire que les quantités de vivres par homme étaient conformes aux décisions du Conseil d’hygiène. On trouve la preuve contraire dans la carte postale imprimée que recevait ce mois-ci par centaines d’exemplaires l’œuvre du « Vêtement du prisonnier de guerre, » à Paris. — Au recto, ces indications : Gefangenenlager ! Minden i. Weslf. (Deutschland) Feldpostkarte — et le titre de l’œuvre avec son adresse. Le timbre de la « Kommandantur » y est apposé. Au verso, cette formule, où les blancs sont remplis au crayon par le prisonnier : « Monsieur le président de l’Œuvre du Vêtement du prisonnier de guerre, Paris.

« Demeurant à, je n’ai pu recevoir aucun colis de ma famille, je serais donc heureux de profiter de votre assistance pour me procurer si possible du linge, vêtemens et vivres, que l’autorité allemande veut bien me permettre de demander.

« Avec mes remercîmens anticipes (sicc, veuillez agréer, monsieur, l’expression de ma sincère reconnaissance. » Suit la