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Les enfans reçoivent aussi tout un petit trousseau. Pendant ce temps, des bonnes volontés s’empressent. Un soldat porte un bébé, si tendrement ! L’enfant un peu inquiet, il le berce, gauche, il retrousse sans le savoir la petite robe, et la chair dodue est à découvert. Mais le visage est heureux, le bébé rit à présent. Quel bon père de famille, ce jeune soldat !

Je remercie avec émotion Mme S…, la présidente du Comité, de tout ce qu’elle et ses amies ont fait ici pour nos Français. Elle me répond, et ses yeux se remplissent de larmes : « Oh ! ne nous remerciez pas ! Quand on les a vus, on ne pourrait pas faire autrement… »

Le défilé continue, et la distribution généreuse. De nouveau, par petits groupes, les soldats vont emmener les réfugiés et, cette fois, malgré la pluie intermittente, montrer à qui le désire les beautés de Schaffouse. Nous allons, pendant ce temps, jusqu’au « Katholisches Heim, » où toute une partie du convoi est venue se restaurer. Là, une installation perfectionnée va permettre de donner des bains aux enfans. Les petits sont déshabillés par des jeunes filles, lavés, puis rendus à leurs mères, avec une layette complète.

Après ce repos si salutaire, les huit établissemens chargés de fournir les repas reçoivent de nouveau leur contingent, et un bon diner est servi.

Pendant ces heures si bien remplies, les infirmes, les malades, — il s’en rencontre plusieurs chaque jour, — sont retenus et soignés à l’infirmerie qui se trouve dans la gare. Des lits sont préparés, un médecin donne les avis et soins nécessaires, des jeunes femmes viennent aider. Puis elles se mettent à la disposition des évacués pour envoyer à leurs familles, s’ils en savent l’adresse, cartes ou dépêches annonçant leur arrivée prochaine en France : quelles émotions, à prévoir le retour ! quelles effusions de gratitude pour celles qui leur rendent plus proche cette joie ! Qu’on se figure la longueur des jours, des semaines, des mois vécus au milieu des troupes ennemies, des « casques à pointe » détestés, sans nouvelles de ceux qui se battent de l’autre côté des lignes ! Et ceux-là sont souvent des proches, des frères, des fils, des pères, dont on ne sait, tout ce temps innombrable, s’ils sont vivans encore, ou morts pour la patrie…

Voici l’heure du départ, la nuit est tombée, le froid règne,