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UNE SEMAINE
AVEC LES ÉVACUÉS
4-12 AVRIL 1915

Schaffouse, 2 heures 40. — Il tombe une pluie froide, et le ciel est sombre. Le train qui nous amène passe devant la chute du grand fleuve, qui semble, sous ces nuages, une inquiétante avalanche.

A la gare. Le train des évacués, venant d’Allemagne, doit arrivera trois heures et demie. Un peu de retard. Nous battons la semelle. Des jeunes filles, des dames, un brassard de la Croix-Rouge de Genève au bras, attendent près de nous. Des militaires, — on sait que la Suisse est mobilisée, — sont là pour assurer le service d’ordre. Ils paraissent graves : ils savent déjà ce qu’ils vont voir.

Depuis le 16 mars, deux convois de prisonniers civils, évacués des provinces envahies, arrivent journellement en France par la Suisse. Chacun comprend cinq cents personnes au moins. On me dit que l’Allemagne en voudrait renvoyer davantage, jusqu’à trois et quatre mille par jour, mais que la Suisse, pour des raisons fort sérieuses, se refuse à des passages trop nombreux.

Actuellement, les trains venant d’Allemagne s’arrêtent l’un à Schaffouse, l’autre à Zurich, à leur entrée en Suisse. J’en vais pouvoir juger de visu.

Voici le convoi, le train approche, il s’arrête. Aux fenêtres, des têtes d’enfant, et déjà des portières descendent des femmes.