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conseils de son alliée allaient l’entraîner. Il déclarait consentir à discuter le fond même de sa Note à la Serbie, et M. Sazonow répondait aussitôt avec satisfaction qu’il était désirable que la discussion eût lieu à Londres, sous la direction du gouvernement britannique et avec la participation des grandes Puissances[1].

Une entente allait-elle donc s’établir in extremis entre les seuls gouvernemens véritablement intéressés dans la question serbe, et une lueur de paix réapparaître à l’horizon ? On avait compté sans l’Empereur allemand. Il ne l’entendait pas ainsi. Subitement, sur les incitations de l’état-major et après une réunion du Conseil fédéral prescrite par la Constitution, il lança le décret du « Kriegsgefahrzusland, » l’état de danger de guerre, premier acte de la mobilisation générale, sorte d’état de siège qui substituait les autorités militaires aux autorités civiles en ce qui regardait les services publics (voies de communication, postes, télégraphes, téléphones).

Cette grave décision nous fut annoncée le 31 par une édition spéciale du Berliner Lokal Anzeiger, distribuée à tous les coins de rue, et dont voici la traduction :

« La Russie veut la guerre !

« Nous recevons à l’instant, — deux heures de l’après-midi, — de source officielle, la nouvelle suivante, grosse de conséquences :

« De Pétersbourg, l’ambassadeur allemand a fait savoir aujourd’hui que la mobilisation générale de l’armée et de la flotte russes avait été ordonnée. C’est pourquoi Sa Majesté l’empereur Guillaume a décrété l’état de danger menaçant de guerre. Sa Majesté s’établira aujourd’hui à Berlin.

« L’état de danger menaçant de guerre constitue le préliminaire immédiat de la mobilisation générale, en réponse à la menace suspendue aujourd’hui déjà sur l’Allemagne par la mesure du Tsar. »

Comme un naufragé s’accroche à une épave, ceux qui, à Berlin, se voyaient avec terreur en présence d’une catastrophe imminente se cramponnaient à une suprême espérance : la mobilisation générale allemande n’était pas encore ordonnée ; qui sait si, au dernier moment, une inspiration heureuse du

  1. Livre jaune, n° 120.