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Mais par les ouvertures audacieuses de M. de Bethmann-Hollweg les préoccupations du Cabinet britannique se trouvaient désormais attirées sur le sort que le gouvernement impérial réservait à notre pays dans la guerre qu’il préparait. Pour arracher son masque à la politique allemande, le moyen le plus sûr était de lui poser une question catégorique. Le 31 juillet, sir Ed. Grey, s’inspirant de l’exemple du Cabinet Gladstone en 1870, s’adressait à la fois à l’Allemagne et à la France, afin de savoir si elles respecteraient la neutralité belge et il faisait dire à la Belgique que l’Angleterre comptait qu’elle défendrait de tout son pouvoir sa neutralité.

La réponse du gouvernement de la République fut immédiate et franche. Il était résolu à respecter la neutralité belge et n’agirait autrement, en vue d’assurer sa propre défense, qu’au cas où une autre Puissance violerait cette neutralité. Le gouvernement belge, de son côté, s’empressa d’assurer le ministre britannique de sa résolution de se défendre énergiquement, si son territoire venait à être violé.

Mais à Berlin, le secrétaire d’Etat se déroba aux questions de sir Ed. Goschen. Il avait besoin de consulter l’Empereur et le chancelier. A son sentiment, une réponse quelconque risquerait de dévoiler une partie du plan de campagne en cas de guerre. Il lui paraissait douteux qu’on pût en donner une. — Cette façon de parler était parfaitement claire dans son ambiguïté. Ainsi en jugea sir Ed. Grey. Il déclara, dès le lendemain, à l’ambassadeur d’Allemagne que la réponse de son gouvernement était très regrettable et ne lui cacha pas que la neutralité belge avait une grande importance aux yeux de l’opinion publique anglaise, qui serait difficile à contenir, si la Belgique était envahie.

Ce même jour, 1er août, d’après les instructions de mon Gouvernement, je donnai lecture et laissai copie au sous-secrétaire d’Etat d’une dépêche préparée à l’avance et adressée aux ministres belges auprès des Puissances garantes de notre neutralité. Il y était dit que la Belgique, ayant observé avec la plus scrupuleuse exactitude les devoirs d’Etat neutre que lui imposaient les traités du 19 avril 1839, s’attacherait inébranlablement à les remplir ; qu’elle avait confiance, les dispositions amicales des Puissances à son égard ayant été affirmées si souvent, de voir son territoire demeurer hors de toute atteinte, si