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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.





Il y a quinze jours, nous faisions déjà entrevoir comme certaine et prochaine l’intervention de l’Italie dans la guerre. Depuis lors, le fait annoncé ne s’est pas encore réalisé, mais la réalisation semble imminente et personne même n’en doute plus. La mission du prince de Bülow à Rome a finalement échoué. On avait imposé à cet habile homme une tâche impossible et toute sa dextérité s’y est employée en pure perte. Il l’avait certainement prévu. N’a-t-il pas écrit autrefois que l’Italie ne pouvait être que l’alliée ou l’ennemie de l’Autriche ? Aucune expression ne fait ressortir plus clairement en qu’il y avait d’artificiel dans sa participation à la Triple-Alliance. On voit aujourd’hui à quel point les intérêts étaient contraires. L’alliance n’était qu’un ajournement d’hostilités inévitables. Comment l’Italie aurait-elle pu renoncer à profiter de la première bonne occasion qui s’offrirait à elle d’achever avec ampleur l’œuvre de l’unité nationale, que Cavour et Victor-Emmanuel II avaient si heureusement commencée et qu’il appartenait à Victor-Emmanuel III et à MM. Salandra et Sonnino de terminer ? Quels que fussent les sentimens de l’Italie à l’égard de l’Allemagne, la rupture était fatale : on peut la considérer comme faite. Les discussions entre les neutralistes et les interventionnistes ont été longues, ardentes, passionnées ; mais, dès le premier coup de clairon, les dissidences disparaîtront en Italie coin me elles l’ont fait ailleurs, et l’union sera la préface de l’unité.

La fête de Quarto, près de Gênes, célébrée le 5 mai, a, malgré l’absence du Roi et du gouvernement, tenu tout ce qu’on s’en était promis. C’est là que s’est embarqué autrefois Garibaldi, lorsque, à la tête de ses mille compagnons, il est parti pour la conquête des Deux-Siciles. Jamais entreprise n’a été plus aventureuse dans la forme, mais dans le fond tout conspirait en faveur de Garibaldi, et des dieux prudens veillaient sur lui, comme dans les poèmes homériques.