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Après les êtres, ou les âmes, chercherons-nous dans notre musique les choses, les choses de France, la douceur de notre terre et le sourire de notre ciel ? Ouvrons le Roi d’Ys encore, ou l’Artésienne, ou Mireille, ou les Scènes Alsaciennes de Massenet, ou, plus près de nous, beaucoup plus près, le Ramuntcho de M. Gabriel Pierné. Alors, de la Bretagne et de l’Alsace, du pays basque et de la Provence, des quatre coins de notre horizon nous arriveront des souffles mélodieux. Loin du théâtre même, ou du concert, pour que « la paix de la grande nature » nous entre dans le cœur, il suffira qu’une voix nous chante, au piano, quelqu’un de ces chants de Gounod, tranquilles et superbes, le Soir, ou le Vallon, ou bien Au Rossignol, nobles paysages sonores, paysages français, et, par l’ampleur, la fluidité de la musique autant que des paroles, véritablement lamartiniens. En voulez-vous de plus animés, de plus chauds ? Vous trouverez, chez Gounod encore, telle « mélodie » où passe, où frémit le souffle du printemps. « Poème d’avril, Poème d’octobre, Poème d’hiver, » en ces esquisses souvent délicieuses, à dessein un peu vagues et comme flottantes, Massenet, a noté la poésie de chaque saison. Enfin, si l’on a souvent appelé M. Gabriel Fauré le Schumann français, et si l’on pourrait aussi bien le nommer notre Schubert, c’est peut-être qu’il n’y a pas un détail et, pour ainsi dire, pas un trait, parmi les plus fins, les plus légers, du visage ou de l’âme de notre pays, dont on ne retrouve l’impression dans les « mélodies, » du subtil musicien. Dans l’œuvre d’un Saint-Saëns, voici des paysages encore, imaginaires ou réels : paysages de la France historique ou de la France exotique, le ballet d’Ascanio ou la Suite algérienne. La Rêverie à Blidah et la Marche militaire sont deux bien aimables pages, l’une poétique et l’autre spirituelle, de notre musique coloniale. Quant au ballet d’Ascanio, qui se danse à Fontainebleau, devant le roi François Ier et sa cour, la musique en est une imitation de la musique ancienne. Ancienne, mais tout de même pas tout à fait du temps. Par un anachronisme permis, et d’ailleurs agréable, il se trouve que certaine page, la plus belle, de ce ballet Renaissance, rappelle de fort près l’Entretien des Muses, de Rameau. Le sujet d’abord, et le titre, est le même : « Apparition de Phœbus Apollon et des neuf Muses. » Pareille aussi la tonalité, le mouvement, enfin et surtout le sentiment de noble et sereine contemplation.

En vérité, plus nous marchons, plus nous voyons s’étendre le champ de notre mélodieuse promenade à travers la douce France. Que de sites, que de personnages aimés nous rencontrons à chaque pas ! Il en est même que l’heure présente nous donne l’occasion de mieux