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empêchera cette naissance d’être une charge trop lourde. Évidemment, ce sera toujours une charge ; car on ne peut assurer à chaque enfant qui va naître une rente annuelle de 200 francs. Tout de même une forte prime attribuée à chaque nouveau-né allégera, dans une quotité qui est à déterminer, les dépenses du père de famille.

Surtout, il ne faut pas que cette prime soit faible ; car l’attrait d’une somme minime n’abolira pas ces sentimens d’intense économie qui enflamment toutes les familles françaises. Ce n’est pas avec 50 francs, ou même 500 francs, qu’on peut espérer modifier une habitude si invétérée, si tenace, si obstinément voulue. Il me parait qu’une prime de mille francs représente un minimum[1].

Mais peut-être conviendrait-il de ne pas distribuer immédiatement cette grosse somme. Ne pourrait-on convenir de donner 250 francs au moment de la naissance ; 250 francs l’année suivante, si l’enfant vit ; 250 francs quand il aura quatre ans, 250 francs quand il aura dix ans ?

Si le Parlement et le Gouvernement se décidaient à cette mesure (que je ne dirais pas utile, mais indispensable), on verrait augmenter, dans une proportion invraisemblable, la natalité française. Dans trente ans, la France compterait quatre-vingts millions d’habitans.

Eh bien ! oui ! ce sera un gros sacrifice budgétaire ; le pays se sera endetté. Mais, au lieu de s’endetter pour des œuvres vaines, ç’aura été pour acheter des Français. Il ne serait pas difficile de soutenir que, même financièrement, ce serait une excellente affaire, puisque aussi bien le Français dont on aura acheté la naissance pour le très modique prix de 1000 francs représente, quand il est adulte, par son travail une rente annuelle de 2 000 francs.

Certes, nous n’ignorons pas les objections innombrables qu’on va faire de tous côtés à cette idée très révolutionnaire. Mais toutes ces objections n’ont aucune valeur, sauf une seule, qui est formidable, et dont il ne faut pas se dissimuler la puissance.

  1. Il va de soi que la naissance du premier-né ne donnerait droit à aucune prime. Et, comme il faudrait dix ans pour que la prime intégrale fût touchée, la mortalité inévitable diminuerait beaucoup les allocations exigibles. Je ne puis entrer ici dans des calculs. Tout compte fait, ce serait à peu près 500 millions par an, même en supposant une natalité extrêmement forte.