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guère sur les individus : il n’atteint que la nation dans son entité abstraite, et ne touche pas les personnes.

Quand un malade est à l’agonie, dans sa chambre encombrée de produits pharmaceutiques, suffoquant, râlant, veillé par ses proches qui anxieusement se penchent sur son lit, pense-t-il à ses décorations, a son négoce, aux bibelots d’art qui sont entassés dans son salon ? Il s’agit bien, pour ce malheureux, de tableaux, ou de panaches, ou d’obligations de chemins de fer ! Il faut d’abord respirer quelques minutes encore, retrouver, si possible, quelque vigueur, de manière à reprendre plus tard son commerce et ses plaisirs. Il faut vivre. Le reste n’est rien.

La France est comme cet agonisant. Elle va disparaître, si nous n’osons pas prendre un parti viril, et si, au lieu d’une action simple et énergique, nous nous contentons de paroles compatissantes, de tisanes édulcorées et de cataplasmes émolliens.


On me trouvera peut-être sévère pour les moyens ingénieux (et nobles) qu’on a préconisés de toutes parts. Mais je dois déclarer qu’ils me paraissent tous inefficaces, et douloureusement inefficaces.

Il est évident en effet, et d’une évidence incontestée, que, pour la plupart des familles, ou, plutôt, pour toutes les familles, le nombre des enfans est déterminé par la volonté des parens. Tout couple humain a le nombre d’enfans qu’il a voulu avoir.

Quelquefois assurément il en a moins ; car, pour de multiples raisons, toutes les femmes ne sont pas fécondes ; des statistiques minutieuses ont permis d’établir que, sur cent ménages, quinze sont stériles. Restent donc quatre-vingt-cinq couples. Admettons, quoique ici la statistique soit un peu plus fantaisiste, que quinze ne puissent avoir qu’un enfant : que quinze autres ne puissent en avoir que deux ou trois. Il reste tout de même à peu près cinquante couples, dont chacun, durant une union de vingt-cinq ans, pourrait avoir au moins dix enfans. Si ce nombre n’est pas atteint, c’est qu’il n’est pas consenti.

Ni en France, ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni même en Russie, il n’y a dix ou quinze enfans par ménage, comme les conditions physiologiques le permettraient facilement. C’est