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resté beaucoup plus « latin » qu’il ne prétendait l’être, si, par exemple, — le regretté Joseph Texte l’avait bien montré jadis ici même, — l’influence allemande n’a pas été aussi directe, ni aussi considérable, sur nos romantiques, qu’on l’a cru parfois, il n’en est pas moins vrai que, dans son ensemble, la littérature romantique française a été beaucoup plus pénétrée d’influences étrangères que notre littérature classique.

La littérature de demain, si je ne m’abuse, ressemblera sur ce point beaucoup plus à notre littérature classique qu’à notre littérature romantique. Chose singulière, les jeunes générations, auxquelles, à défaut du grec et du latin, on a enseigné les langues vivantes, — qu’elles ne savent, semble-t-il, pas beaucoup mieux d’ailleurs que leurs aînées, — ne paraissent pas très curieuses, ni très éprises des littératures étrangères. Elles ne goûtent et n’admirent bien profondément que la littérature française, et, dans la littérature française, que les parties les plus autochtones, les plus dégagées des influences extérieures, à savoir la littérature proprement classique. Elles sont sévères jusqu’à l’injustice pour le romantisme. Elles professent une sorte de nationalisme littéraire qui a, certes, ses étroitesses et ses préjugés, mais qui a aussi sa fierté et sa grandeur. Il est possible que la guerre, en nous rendant notre confiance d’autrefois dans nos énergies nationales, entretienne et développe cet état d’esprit, et que nous voyions naître une littérature d’aspirations très fortement classiques, à tendances un peu jalousement traditionalistes. Il est possible aussi, — et l’hypothèse du reste ne contredit pas la précédente, — que, sans cesser d’être résolument nationale, la littérature de demain s’ouvre fort librement à certaines influences étrangères. Mais ici, il y a lieu sans doute d’établir quelques distinctions. Selon toutes les vraisemblances, la guerre actuelle aura pour effet de nous rapprocher de certains peuples, de nous éloigner de certains autres. Par la déloyauté grossière de ses procédés diplomatiques, par la démence « colossale » de son orgueil et de sa mégalomanie, par l’épaisse barbarie de sa « culture, » par la violence et l’inhumanité systématiques de ses méthodes de guerre et de ses rapines, l’Allemagne s’est