1891, écrivait ces lignes qu’il doit bien regretter aujourd’hui. Nous ne trouverons plus, nous pouvons en être assurés, pareilles boutades sous une plume française. Il a suffi de quelques chevauchées de uhlans sur la terre de France pour dissiper toutes ces nuées, pour réconcilier tous les Français dans le même culte pieux et grave de la même patrie. La patrie ! nous ne savions pas combien nous l’aimions tous, il y a quelques mois. Aujourd’hui, toutes les lettres qui nous viennent du front en témoignent de reste, c’est, dans toutes les classes sociales, la même ferveur patriotique, à la fois réfléchie et tendre, et qui trouve parfois pour s’exprimer des formules singulièrement touchantes. Ecoutez ce mot qui n’a pas été inventé : « Le jour de la mobilisation, le 1er août, vers cinq heures, dans un train bondé où les hommes se hâtaient de rentrer vers Paris, afin de rejoindre leur corps, l’un d’eux, après avoir regardé le paysage d’été, — un de ces paysages robustes et délicats tout ensemble de l’Ile-de-France, — conclut : « Ça vaut tout de même la peine de mourir pour un beau pays comme celui-là ! » Et c’est la Guerre sociale, le journal de M. Hervé, qui cite ce mot avec admiration !
Quand un sentiment est si fort, si spontané et si unanime, quand il a été entretenu, éprouvé, mûri par les sacrifices librement consentis qu’il a inspirés, il ne meurt plus dans les âmes. Cette France qu’ils reconquièrent pouce par pouce sur l’envahisseur, et qu’ils arrosent de leur sang, comment nos soldats pourraient-ils ne plus l’aimer ? Et à nous-mêmes, ne nous sera-t-elle pas plus chère de toutes les larmes qu’elle nous aura coûtées ? Tous ensemble, nous n’admettrons plus qu’on raille ou qu’on discute même cette religion de la patrie que nous avons sentie si vivante en nous à l’heure décisive, et nous accueillerons avec joie les livres où elle sera glorifiée.
Nous lirons avec empressement aussi ceux où l’on nous prêchera l’action. Car nous n’aurons pas vécu en vain ces longues journées toutes pleines des gestes de guerre et qui auront fait sentir aux âmes les plus spéculatives le prix supérieur des vies que la pensée pure n’absorbe pas tout entière. Les temps sont finis du dilettantisme que, sous l’influence de nos désastres, on affectait chez nous il y a vingt ans. Nous avions si peu l’habitude d’être vaincus que notre défaite de 1870 faillit nous faire perdre le vieil esprit de notre race. Nous