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ferme l’accès. Mais nous devons nous hâter de profiter de ce blocus. Nous ne devons pas nous attendre à ce que la victoire des Alliés fasse affluer d’elle-même à nos comptoirs les ordres des anciens cliens de l’Allemagne. Quelque éclatant que soit notre triomphe, quelque inhumaine et monstrueuse qu’ait été durant la guerre la conduite de nos adversaires, l’Allemagne, humiliée, appauvrie, démembrée si l’on veut, obligée de payer une lourde rançon, n’en reviendra que plus âprement à la lutte économique. Comme le disait plaisamment un homme d’Etat anglais, lorsqu’elle sera contrainte d’être pacifique et de renoncer à ses rêves de domination, elle concentrera toutes ses facultés sur le terrain des affaires ; ses salaires abaissés, son bien-être amoindri ne rendraient sa concurrence que plus redoutable, si nous nous reposions sur nos lauriers du soin de nous enrichir.

Ce que nous avons fait contre l’hégémonie militaire, nous pouvons le faire contre la suprématie industrielle à laquelle prétendent nos voisins ; mais c’est à la condition de nous mobiliser à leur exemple. Aux anciennes armées de métier, ils ont opposé la puissance du nombre, et ils seront vaincus par le nombre, qui s’est uni pour leur faire la loi. A l’ancienne production réglée sur la qualité, ils ont substitué la quantité sans limite issue du bas prix. Puisque, ici, la marche du monde leur a donné raison, nous n’avons, pour leur tenir tête, qu’à leur opposer la « levée en masse » de nouvelles usines et le « service obligatoire » de notre crédit solide et de nos réserves d’écus.


GEORGES D’AVENEL.