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an et davantage, dont ils se servaient habilement pour battre en brèche le commerce anglais ou français.

Les fabricans de jouets, à qui l’obligation d’accumuler des marchandises pendant de longs mois pour une vente saisonnière rendrait précieuse la faculté de louer de l’argent à des taux raisonnables, trouvent que notre organisation bancaire est défectueuse ; ils se heurtent à des banques de dépôt hantées par l’effroi des immobilisations, qui épluchent le papier sans complaisance, et ils sollicitent de l’Etat la création d’une caisse spéciale de prêts au petit commerce et à la petite industrie, pour l’aider à concurrencer la fabrication étrangère.

Mais personne ne dit comment fonctionnera cette caisse, qui lui fournira des fonds et quel en sera le chiffre ; assez élevé sans doute, puisque l’on ne pourrait favoriser exceptionnellement une seule branche de l’activité nationale et que toutes auraient un droit égal ? Ce qui s’est fait spontanément chez nos voisins, d’accord avec l’opinion et les mœurs, pourrait-il réussir par voie de décret ? Si le prêteur ne peut emprunter à son tour au public par émission de titres, ou aux autres banques par création d’effets, son capital s’épuisera bien vite, comme il est arrivé, déjà à nombre d’institutions fondées sous d’illustres patronages.

Est-ce bien l’argent qui manque ? N’est-ce pas plutôt le courage de le risquer ? Nous avons des sociétés qui, avec des réserves importantes en valeurs, manquent des ventes parce que leurs usines sont trop étroites et qu’elles tardent à les agrandir.) L’argent lui-même est-il d’ailleurs indispensable ? Nous voyons des affaires qui ont réussi avec de médiocres ressources et qui plus tard, montées à gros capital, échouent.

Au contraire, parmi ceux qui ont fait depuis trente ans leur fortune dans le jouet ou la bimbeloterie, tel, fils d’un boucher de petite ville, a débuté comme voyageur à la commission ; tel autre était en 1882 jeune avocat en province, lorsque la ruine de sa famille l’obligea à quitter le barreau pour une carrière plus immédiatement lucrative. Il vint à Paris et, après avoir frappé à diverses portes, eut l’idée de centraliser le commerce en gros des jouets à bon marché. Il commença par acheter au bazar de l’Hôtel-de-Ville, à titre d’échantillons, les objets à dix, quinze et vingt centimes, s’efforça de découvrir les adresses des fabricans, traita séparément avec chacun d’eux et, muni d’un