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de la population, si approximatifs et discutables qu’ils puissent être, ne permettent pas d’en douter. Un recensement détaillé de 1695, dressé sur les ordres de Vauban à l’occasion de son projet de dîme royale, aboutit à 246 000 habitans. Ce chiffre concorde avec celui que donne La Grange en 1698. (La Grange donne 257 000, mais y compris Brisach et Fribourg-en-Brisgau). Le Mémoire déjà cité de Le Pelletier de la Houssaye indique pour 1702 un total de 235 000 habitans, après défalcation des territoires de Brisach et du Brisgau, restitués par la paix de Ryswick. C’est à partir de cette date que la population grandit formidablement. Un état trouvé par M. Reuss aux archives de Strasbourg, porte 348 000 habitans en 1709. Ce chiffre paraît au moins prématuré, mais en tout cas on s’en rapproche au dénombrement de 1731 qui donne 340 000 habitans, et on le dépasse sensiblement au recensement de 1750 qui compte 88 698 feux, soit, à raison de cinq têtes par feu, 445 000 habitans. À la veille de la Révolution, un nouveau bond est constaté. Les procès-verbaux de l’Assemblée des Notables en 1787 parlent de 624 000 habitans. Le premier président du Conseil souverain de Colmar, dans une lettre au Garde des Sceaux, va même jusqu’à 700 000. Sans prendre à la lettre ces chiffres d’une statistique encore en enfance, il reste indiscutable qu’en moins d’un siècle, la population de l’Alsace avait plus que doublé, peut-être presque triplé. C’est un premier signe de la prospérité publique.

Pour que la population se soit relevée, il a fallu que se relevât aussi, — et même d’abord, — l’agriculture, et, à sa suite, le commerce et l’industrie. C’était la grande tâche, et la royauté française n’a rien négligé pour la mener à bien. « On voit par les anciens registres, écrit La Grange, qu’avant les grandes guerres d’Allemagne, le nombre des villages, familles et feux de la Haute et Basse-Alsace montait à un tiers de plus qu’à présent. La raison de cette différence est que la plupart des villes et villages ont été ruinés ou brûlés, les uns entièrement ou en partie, les autres tellement abîmés que d’un grand nombre de villages qui, avant les premières guerres de Suède, étaient grands et florissans, il n’en est resté que le nom et on n’en connaît que les endroits où ils étaient situés. » Tout cela se releva par la culture. Les édits se succèdent, offrant des concessions de terres aux étrangers, des exemptions d’impôts pour les terres défrichées, des titres de propriété presque gratuits à ceux qui trans-