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alertes ou ingénues, des mines altières ou narquoises, des faces naïves ou mutines, et l’on a pu ainsi accorder les costumes aux physionomies. Avec des coupons, des déchets de magasin, un bout de soie, une chute de mousseline, chiffons riches ou modestes, suivant le cas, mais toujours sincères, nos habilleuses parisiennes ont composé des petites femmes très personnelles, des marquises ou des grisettes, des paysannes ou des pêcheuses, toutes joliment tournées et donnant toutes l’impression de la vie. Les grands magasins, les bazars, ont fait le meilleur accueil à ces créations de la « Ligue du jouet français » qui ont été se faire admirer à Londres au mois de mars, et ont poussé depuis jusqu’à San Francisco où elles représenteront à merveille la grâce et le goût de notre pays. A l’uniformité désolante du machinisme teutonique nous pouvons opposer ici les doigts inventifs de nos ouvrières et les trouvailles de nos ateliers familiaux.

À ces derniers surtout fait appel la Ligue du jouet français, qui n’a présentement d’autre boutique qu’un salon dans l’hôtel privé de l’initiatrice de cette œuvre, où les commissionnaires français et étrangers viennent faire leurs achats. Le fonds de roulement était également inexistant au début ; il consistait simplement en quelques billets de mille francs qu’une dame belle et bonne avait su économiser sur la pension de toilette qui lui est allouée par son mari. Et c’est une double leçon que cette entreprise mondaine, où l’argent travaille et ne s’aumône pas, offre au monde des affaires ; elle prouve une fois de plus, et que le capital n’est pas nécessaire pour réussir et que le succès appartient à l’effort intelligent de ceux qui savent qu’il y a toujours du nouveau sous le soleil…, à la condition de ne pas ramasser ce qui est vieux.

C’est aussi ce qu’avait voulu M. Lépine, l’ancien préfet de police, lorsqu’il fonda, il y a une quinzaine d’années, l’« Association des petits fabricans et inventeurs français. » Le premier concours destiné à mettre en communication avec le grand public la foule des inventeurs en chambre qui, avec des moyens de fortune, établissent un jouet et ne l’exploitent pas, eut lieu en 1901. Les entrées étaient gratuites et, détail ignoré jusqu’ici que m’a révélé le président actuel de cette association, tous les frais furent supportés personnellement par M. Lépine qui déboursa ainsi 18 000 francs. Il fit de même l’année suivante,