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favorisés par les autorités, mais cet appui ne s’explique que par des considérations religieuses. Gymnases et collèges sont également des écoles latines, où les élèves ne doivent pas employer la langue vulgaire, même entre eux, et la langue vulgaire est pour eux l’allemand. C’est seulement en 1753 que l’enseignement du français sera établi au gymnase de Strasbourg à raison de deux heures par semaine. L’humanisme étriqué, verbal et conventionnel de ces archaïques maisons d’éducation, les rendait aussi incapables qu’insoucieuses de toute propagande welche indiscrète.

Les écoles primaires, s’il est permis de qualifier ainsi les humbles et rudimentaires annexes de la sacristie que le clergé catholique ou protestant tient dans sa main, ont encore moins que les autres la prétention toute moderne d’être un instrument de règne. On y enseignait le catéchisme, un peu de lecture, encore moins d’écriture et de calcul, et nul assurément ne soupçonnait ce qu’on appellera plus tard l’enseignement civique. La fidélité au souverain était un dogme au-dessus de toute discussion, mais nul pédagogue n’était tenu de préconiser l’amour de la France, ni l’étude du français.

C’est toujours à cette même constatation qu’il en faut revenir. Les progrès de la France en Alsace sont tout spontanés, tout volontaires. La contrainte scolaire y est aussi étrangère que la contrainte administrative. Le grand principe du haut en bas est celui que formulait d’Angervilliers, intendant de 1716 à 1724 : travailler à ce que « les peuples ne fussent pas trop entretenus dans le goût et les mœurs de l’Allemagne », mais sans tracasser personne inutilement. Par exemple, l’intendant de Lucé, fondant des cours d’anatomie à Colmar, Belfort, Wissembourg, écrivait : « Les démonstrations s’y feront en langue allemande, puisque c’est celle qui est le plus universellement entendue dans la province (26 novembre 1754). »


Dans ces conditions, la francisation ne pouvait être que lente, mais n’en est que plus solide dès le règne de Louis xiv. Ce qui concerne le for intérieur n’est pas toujours facile à démêler, parce que l’Alsacien est discret, peu expansif de sa nature et qu’il a la fierté de ne pas afficher à tout propos ceux de ses sentimens dont la manifestation peut paraître profitable. Au contraire, le progrès de la culture et surtout de la langue fran-