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anglo-japonaise qui, après la guerre russo-japonaise de 1904-1905, et par l’opportune entremise de la France, devînt le pivot, non seulement de la réconciliation entre le Japon et la Russie, mais de l’entente définitive entre la Russie et l’Angleterre.

Dans l’Orient musulman, comme en Extrême-Orient, l’alliance franco-russe sut tout de suite, malgré la diversité de certains intérêts, adopter la ligne commune d’une action qui là, de même qu’ailleurs, devait marquer l’unité des desseins et la concordance des résolutions. — Là encore, l’Allemagne qui, jusqu’à la fin du régime bismarckien, n’avait guère pris souci de la Turquie et des Balkans, commença à intervenir de façon à gêner notre politique, à se créer à elle-même une situation nouvelle, et à s’assurer peu à peu sur le Sultan et la Sublime-Porte une influence qui, soit dans la dernière période du règne d’Abdul-Hamid, soit après la Révolution jeune-turque de 1908-1901), finit par devenir toute-puissante.

L’empereur Guillaume II a une prédilection à la fois mystique et réaliste pour les villes qui sont des capitales tout ensemble religieuses et politiques, et où se mêlent les deux prestiges spirituel et temporel. Constantinople devait, à ce titre, exercer sur son esprit une séduction à laquelle il s’est très vite abandonné. Dès 1889, puis en 1898, il fit, avec l’Impératrice, en Orient et jusque sur les rives du Bosphore, ces voyages dont son imagination resta hantée. Dès cette date, et tout en étendant la sphère des intérêts protestans dans l’empire du Levant, notamment en Palestine, il se donne comme le protecteur de l’Islam. Sa pensée était de reprendre à son profit la politique qui avait été longtemps celle de l’Angleterre et de la France, et, le jour où il aurait réussi à supplanter à Stamboul les anciens alliés de 1854-1855, de faire entrer la Turquie dans le groupement austro-allemand. « Nous avons, écrit le prince de Bülow dans son livre sur la Politique allemande, nous avons apporté le plus grand soin à cultiver les relations avec la Turquie et l’Islam. » « Ces rapports, ajoute-t-il, n’étaient pas de nature sentimentale, mais nous avions à la conservation de la Turquie un intérêt considérable, économique, militaire, politique. » Et, allant plus loin encore, il va jusqu’à dire que ce qui a motivé la dernière loi militaire allemande, c’est la situation créée par la guerre des Balkans, la crainte d’une défaite de la Turquie. De là à l’alliance militaire qui s’est faite