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assumer la responsabilité. — Elle était toute vouée alors à son œuvre de reconstitution intérieure. Elle inaugurait cette exposition de 1878, qui attestait les résultats de son magnifique effort, et reprenait tout naturellement dans le monde sa place de grande Puissance civilisatrice et libérale. Son génie demeurait fécond et ne le cédait à aucun autre dans tout le domaine des sciences, des lettres et des arts comme du développement économique, industriel et commercial. Elle édifiait, à l’heure propice, et avant que la compétition de nouveaux concurrens ne fît encore obstacle, un Empire colonial dont la création a été pour elle une jouvence d’énergie et de vigueur. Elle préparait enfin, par sa fidélité à ses espérances, par sa foi en elle-même, comme aussi par ses admirations, ses sympathies, par la contagion de son esprit de liberté et de lumière, l’ère nouvelle qui ne pouvait manquer de luire. Elle en a eu, dès cette date relativement lointaine, le pressentiment. Elle avait en elle l’instinct, l’aspiration d’une Europe qui devait, qui allait renaître. Comme M. Ch, de Freycinet l’a marqué, en reproduisant au second volume de ses Souvenirs[1], ses entretiens avec Gambetta sur la politique extérieure de la France, « l’objectif de cette politique, dès les années 1878-1880, était de resserrer nos liens avec l’Angleterre, de nous rapprocher de la Russie, et, par la suite, amener une entente entre les trois Puissances. » Nouvel et heureux retour de la vision déjà apparue en 1875, nouvel écho de cette voix qui, après avoir été dès l’origine celle de la France deviendrait celle de la Triple-Entente et de l’Europe !


II

Plus de dix années devaient encore s’écouler avant que se scellât le premier chainon de l’entente, l’alliance entre la France et la Russie.

Bien que cette alliance fût depuis de longues années conclue dans le cœur des deux peuples, bien qu’elle fût comme écrite sur le sol même de l’Europe, et que, depuis 1878, une claire nécessité de défense commune et de préservation mutuelle l’imposât, — certains incidens fâcheux, des circonstances contraires, telles que les relations traditionnelles entre les deux cours de

  1. Souvenirs de M. Ch. de Freycinet, t. II, p. 108.