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L’HÉGÉMONIE ALLEMANDE
ET
LE RÉVEIL DE L’EUROPE
(1871-1914)

L’Allemagne, au début de la guerre déchaînée par elle le 1er août 1914, n’avait que très faiblement, et pour la forme, essayé de représenter cette guerre comme due à la provocation de la Triple-Entente, surtout de la Russie et de la Grande-Bretagne. La thèse n’était pas soutenable, et l’Allemagne, ses premiers et éphémères succès y aidant, n’insista pas. Ce n’est que depuis lors, avec les désenchantemens qui suivirent, et pour se concilier la faveur des neutres, qu’elle imagina d’attribuer à ses ennemis l’initiative d’une guerre dont la responsabilité lui appartient tout entière. Elle ne réussira pas, malgré ses efforts, à donner le change. Il suffit, en effet, de remarquer que si l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie n’eussent pas elles-mêmes pris l’offensive, l’Italie, liée par les obligations de la Triple-Alliance, n’aurait pu, dès le premier jour, faire déclaration de neutralité.

Ce qui est vrai, c’est qu’après une longue, pesante et stérile hégémonie de près d’un demi-siècle, l’Europe, lasse et inquiète, s’était réveillée, et que, sans avoir, comme l’Allemagne, préparé, prémédité et désiré la guerre, elle était résolue à secouer le joug et à s’affranchir.

Comment s’est fait cet éveil, comment la France d’abord et la Russie, qui avaient eu le plus à souffrir des prétentions de l’Allemagne, puis la Grande-Bretagne, qui se sentait peu à peu