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une enquête approfondie de la situation avant de s’y jeter l’épée à la main. Ils ont raison d’hésiter et de ne vouloir s’engager qu’à bon escient ; mais aussi, quand ils s’engagent, leur détermination réfléchie a une signification sur laquelle on ne saurait se tromper, une signification de confiance absolue. Cette confiance, nous l’avions et même elle grandissait chez nous tous les jours ; mais, nous n’avions pas encore réussi à l’inspirer suffisamment aux autres à ceux qui, cantonnés dans la neutralité comme dans un refuge, consultaient le ciel, sondaient l’horizon, regardaient d’où venaient les nuages et s’ils s’amoncelaient ou se dissipaient. La confiance leur est venue. C’est un sentiment spontané qu’aucun argument ne suffit à faire naître et dont la conscience seule connaît le secret, sentiment contagieux d’ailleurs, et qui travaille en ce moment pour les Alliés. Les mois d’hiver sont finis ; ils ont pesé sur la guerre en l’immobilisant dans les tranchées ; ils en ont ralenti le cours ; ils ont empêché d’autres élémens d’y entrer. Cet acte, qui a paru long, est fini et un autre commence. N’étant pas prophète, nous nous garderons de dire ce qu’il sera. Il y a eu trop d’imprévu dans cette guerre, pour que nous ne nous défiions pas même des pronostics les mieux établis. Mais notre nombre s’accroît pendant que celui des Austro-Allemands diminue. Des entreprises qu’il a fallu suspendre, comme celle des Dardanelles, sont vigoureusement reprises. L’activité augmente dans nos armées. Et ce sont là des symptômes fortifians.


Nous avons parlé de la note singulière que le comte Bernstorf, ambassadeur allemand à Washington, a adressée au gouvernement américain. C’est lui-même un singulier ambassadeur que celui-là. Nous en souhaitons beaucoup du même genre à l’Allemagne et, pour la beauté du fait, comme dit Alceste, nous aurions aimé à le voir opérer à Rome ù la place du prince de Bülow ; mais l’Allemagne n’aurait pas osé l’aventurer sur l’ancien continent et elle a montré le cas qu’elle faisait du nouveau en l’y envoyant. Elle a cru que, s’il fallait être souple et fin avec les Italiens, il suffisait d’être brusque et dur avec les Américains. Malheureusement, le comte Bernstorf a dépassé la mesure, et il peut voir aujourd’hui les effets du système d’intimidation qu’il a employé. Au début de la guerre, l’opinion américaine était sympathique à l’Allemagne : il l’a retournée contre lui et contre son pays.

Il n’a plus pour le soutenir aujourd’hui que les Allemands d’Amérique, qui à la vérité sont nombreux et ont la prétention insolente