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faire une concession quelconque à la Bulgarie ? On ne lui en fera donc aucune et, si elle regimbe, les Puissances alliées se chargeront de la mettre à la raison. C’est une responsabilité assez grave qu’elles prendraient là ; mais, pour aujourd’hui, nous ne chercherons pas à en prévoir les effets et nous n’en discuterons pas l’opportunité. La situation générale est encore trop confuse pour que nous puissions nous engager sur des données aussi incertaines. Et, remarquons-le, la Bulgarie est le seul pays des prétentions duquel on ne parle pas. Peut-être hésite-t-elle encore et continue-t-elle de peser méthodiquement dans sa balance de précision les chances de succès des deux groupes engagés dans la guerre. Un fait toutefois doit la frapper comme il frappe tout le monde : c’est qu’un de ces deux groupes est à la veille de rencontrer des concours nouveaux, nombreux, importans, pendant que l’autre reste stationnaire et ne peut même pas réparer ses pertes. Un tel fait est très éloquent ; il vaut mieux que tous les argumens diplomatiques et le roi Ferdinand est homme à en apprécier la portée. Hier encore, son ministre, M. Radoslavof, déclarait très haut, et même sur un ton qu’il affectait de rendre préremptoire, que la Bulgarie ne sortirait pas de la neutralité et que rien ne justifierait de sa part une décision contraire. Mais qui sait ? Depuis lors, c’est-à-dire depuis quelques jours, il s’est passé bien des choses. Le sentiment de la Bulgarie pourrait changer. S’il est vrai, comme les journaux l’assurent, que l’argent promis sur l’emprunt ne soit pas encore venu, non plus que les munitions de guerre qui devaient l’accompagner, cela prouve qu’en Allemagne on compte moins sur la Bulgarie qu’on ne le faisait il y a deux mois. Et, s’il en est ainsi, ce n’est pas sans quelque raison.

Le vent qui souffle est, en effet, de plus en plus favorable aux Alliés. L’intervention prochaine des Italiens est une conséquence de cette situation générale et, à son tour, elle devient une cause active propre à amener des adhésions nouvelles. Personne n’aurait pu attendre de l’Italie, non plus que de la Roumanie ou de la Grèce qu’elles vinssent au secours d’une cause perdue. Ce genre de dévouement est passé de mode, et les guerres sont aujourd’hui trop sérieuses pour qu’il le redevienne jamais. La guerre actuelle en particulier est une guerre à mort ; les pays qui y prennent part jouent leur existence ; vaincus, quelques-uns risquent de disparaître de la carte du monde et tous resteraient affaiblis et presque anéantis pour longtemps. On comprend que ceux qui se décident à courir des chances aussi tragiques, hésitent à le faire, calculent les probabilités, fassent