faire la guerre, de se dépouiller de tout ce que la guerre la plus désastreuse aurait à peine pu lui arracher. Ni la politique, ni l’honneur ne lui permettaient d’y consentir, et nous ne sommes pas surpris des résistances obstinées du vieil empereur François-Joseph à de pareilles propositions. S’il faut tout perdre, mieux vaut le faire les armes à la main. Il y a eu un moment où on aurait compris que, pour limiter sa perte à ce qui était déjà moralement perdu, l’Autriche eût fait la paix. Elle aurait sacrifié une partie pour conserver le reste. Il est trop tard aujourd’hui pour faire ainsi la part du feu et on ne voit plus ce qui pourrait arracher l’Autriche à la fatalité qui plane sur elle. On sait ce que nous pensons de cette situation, nous la déplorons : l’Autriche est nécessaire à l’équilibre de l’Europe et, après sa dislocation, Dieu seul sait comment cet équilibre se rétablira. Il faut n’avoir jamais ouvert un livre d’histoire et n’avoir pas compris le premier mot de ses leçons pour n’être pas effrayé de l’avenir que cet effondrement nous prépare. Mais qu’y pouvons-nous ? A chaque jour suffit sa peine : celle du jour présent est assez lourde pour nous occuper tout entiers. Ce n’est pas aux Alliés à réparer les fautes de l’Autriche et à lui assurer la possession des provinces que convoitent l’Italie et la Roumanie. Ils le voudraient d’ailleurs qu’ils ne le pourraient plus.
Un des motifs qu’invoquait la Roumanie pour retarder son intervention était la crainte qu’inspirait la Bulgarie, ce Méphistophélès des pays balkaniques. Nous ne savons pas si, de la part de la Roumanie, cette crainte était bien la principale explication de sa neutralité et, au surplus, cela importe peu. La Grèce raisonnait comme elle et mettait aussi la Bulgarie en avant pour justifier qu’elle restât en arrière. On a fait par-là à la Bulgarie une situation exceptionnelle dans les Balkans et sans doute on a fort grossi son importance. Quoi qu’il en soit, tous ceux qui ne voulaient pas marcher encore trouvaient un prétexte dans l’immobilité équivoque et inquiétante de la Bulgarie dont la politique de sphinx arrêtait tout. M. Venizelos lui-même a cru que la Grèce ne pouvait pas bouger sans s’être assuré le concours, ou pour le moins la neutralité de la Bulgarie en lui accordant d’importans avantages territoriaux et bien que ces projets, qui n’ont pas été suivis d’effet, appartiennent au passé, ils influent trop puissamment encore sur la situation actuelle de la Grèce pour que nous n’en disions pas quelques mots. Nous l’avons fait déjà il y a quinze jours, mais, à ce moment, M. Venizelos n’avait pas livré à la publicité les deux lettres qu’il a écrites au Roi au mois de janvier