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orientale de l’Adriatique ? Les journaux italiens et russes ont échangé à ce sujet des polémiques dont la vivacité a pu un moment inspirer quelques craintes : mais nous avons confiance dans la sagesse finale des gouvernemens. On s’entendra, si on ne l’a déjà fait, parce qu’il faut et qu’on veut s’entendre sur une question qui, quelque délicate et difficile qu’elle soit, n’est pas insoluble. L’Italie sera incontestablement la puissance dominante, la reine de l’Adriatique, mais la Serbie y aura sa place légitime, bien différente du débouché étroit et mesquin que l’Autriche lui avait promis autrefois à travers l’Albanie, et qu’elle ne lui aurait sans doute jamais donné franchement. La Serbie deviendra donc une Puissance maritime : elle aura enfin cet accès à la mer qu’elle réclamait et poursuivait depuis longtemps, comme le poumon cherche l’air sans lequel il ne peut pas vivre. Rien de tout cela ne pouvait être consenti par l’Autriche et par conséquent par l’Allemagne : aussi est-il très vraisemblable que, soit du côté de l’Autriche et de l’Allemagne, soit du côté de l’Italie, les négociations ont eu, au fond, un caractère dilatoire. On se doutait bien qu’elles n’aboutiraient pas, mais de part et d’autre on voulait gagner du temps. Nous avons dit plus haut pourquoi ce désir, cette volonté étaient ceux de l’Italie : le temps lui était précieux pour refaire ou pour compléter ses arméniens. Quant à l’Allemagne et à l’Autriche, en dépit de l’échec de tous leurs plans militaires, elles ne désespéraient pas qu’un heureux hasard viendrait, peut-être, rétablir leurs affaires et décourager les velléités interventionnistes de l’Italie. Mais ce hasard n’est pas venu ; la guerre a conservé le même caractère ; les chances raisonnables de succès sont toujours restées du côté des Alliés. L’Italie a de trop bons yeux pour ne l’avoir pas vu, et si elle a pensé que son intervention, se produisant à l’heure opportune, augmenterait encore ces chances, il est à croire qu’elle ne s’est pas trompée. Nous allons entrer dans une nouvelle phase de la guerre avec le printemps qui avance et les concours nouveaux qui se déterminent en notre faveur, concours de l’Italie qui paraît certain, concours des peuples balkaniques qui en sera la suite.

Un ancien ministre roumain, M. Istrati, dont Paris applaudissait il y a quelques semaines une conférence toute vibrante de patriotisme roumain et latin, disait un de ces derniers jours qu’il y avait un traité entre l’Italie et la Roumanie et que l’intervention de l’une entraînerait celle de l’autre. Nous ne savons si l’arrangement a eu un caractère obligatoire aussi précis : en tout cas, les deux pays se sont mutuellement promis que l’un n’interviendrait pas sans en avoir avisé l’autre