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REVUE LITTÉRAIRE

DE MONTAIGNE A VAUVENARGUES[1]

A la page 1654 de son numéro du 27 mars 1915, le Journal officiel (devenu, à présent, l’une des plus belles lectures qu’il y ait, plus belle que Plutarque : on y trouve en quantité les vies et morts sublimes des hommes obscurs), a publié cette « inscription au tableau de concours pour la Légion d’honneur : — « Merlant (Joachim), capitaine à titre temporaire au 173e régiment d’infanterie. Commandant d’une ligne dont quelques tranchées avaient été enlevées par une attaque soudaine et violente de l’ennemi, et blessé grièvement à l’épaule, a tenu, avant d’aller se faire panser, à commander et à diriger une contre-attaque dont le résultat a été de reprendre toutes les tranchées perdues. » Ajoutons que maintenant le capitaine Joachim Merlant, l’épaule broyée, est à l’hôpital de Verdun, et que c’est là qu’un général vint lui épingler sur son vêtement de lit sa récompense.

Cette anecdote de courage et de constance, où la douleur est si simplement maîtrisée, où le devoir est si noblement dépassé ; cette anecdote, l’une de celles que l’héroïsme de nos soldats et de leurs chefs multiplie et qui se confondent dans la prodigalité de la vertu française, a encore plus de prix, il me semble, et se détermine d’une façon particulièrement exemplaire si l’on sait que le héros, capitaine à la guerre et, hors la guerre, professeur de littérature à l’Université de Montpellier,

  1. De Montaigne à Vauvenargues, « essais sur la vie intérieure et la culture du moi, » par Joachim Merlant. — Du même auteur, Le roman personnel de Rousseau à Fromentin (Hachette) ; Bibliographie des œuvres de Sénancour (Hachette) et Sénancour, poète, penseur religieux et publiciste (Fischbacher).