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même où nous nous présentions devant le goulet Tchanak-Kilid Bahr. Il y a eu certainement de bonnes raisons à cet apparent défaut d’accord dans les opérations des Alliés. La destruction des charbonnages d’Héraclée qui approvisionnent Constantinople et la flotte turque fut un coup très heureux, qui aura des conséquences. Les bombardemens de points intéressans de la côte de Thrace voisine du Bosphore, — notamment de ceux que je citais tout à l’heure, — tiennent l’adversaire dans une continuelle et fatigante alerte. Enfin nos alliés ont répondu à la sortie de l’escadre germano-ottomane vers Odessa (opération au cours de laquelle a péri le Medjidieh, bon éclaireur rapide) par l’établissement, à l’entrée du détroit d’un champ de mines où deux torpilleurs turcs sont déjà venus, dit-on, se faire couler et qui gêne singulièrement une force navale dépourvue jusqu’ici de dragueurs.

Le Gœben, tant bien que mal réparé, et le Breslau, très fatigué, sont-ils en dehors ou en dedans de cette barrière, si dangereuse à franchir ? Sont-ils à Constantinople ou dans la Mer-Noire ? Nous n’en savons rien ; mais, en tout état de cause, nous n’accepterons pas l’opinion émise par certains journaux neutres que la seule présence de ces deux unités rapides dans la Mer-Noire puisse empêcher la mise en route, le jour où on la jugera opportune, du grand convoi destiné à transporter l’armée russe. Nos alliés ont de quoi faire face à deux unités qui, en dépit de leur valeur, ont eu à se repentir d’avoir, une première fois, affronté leur escadre cuirassée.

En résumé, nous sommes dans l’attente d’événemens décisifs qui ne sauraient guère tarder à se produire. Nous pouvons, je crois, avoir confiance dans l’efficacité des minutieux préparatifs qui se poursuivent depuis six semaines en vue d’obtenir une pression simultanée, irrésistible par conséquent, des armées et des flottes, anglo-française d’un côté, russe de l’autre, sur les deux avenues de la capitale ottomane.


Contre-amiral DEGOUY.