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cette intervention serait-elle efficace en présence des corps expéditionnaires anglais et français, qui auraient, au préalable, pris possession de l’isthme ?…

Laissons cela, qui n’est que jeu de l’imagination ou suggestion de la mémoire, encore qu’à la guerre on se trouve toujours bien d’user de ces deux facultés. La réalisation de l’idée générale d’ouvrir aux sous-marins, et même aux bâtimens légers, l’accès de la mer de Marmara, par l’isthme de Boulaïr, supposait évidemment la mise en jeu d’une force armée assez considérable, en novembre ou décembre, avant que la lente Turquie eût pu organiser sérieusement l’armée qui occupe aujourd’hui les rives du détroit. J’ai dit ici même, il y a un mois, le regret que pouvaient concevoir les stratégistes des atermoiemens qui ont rendu plus difficile une tâche relativement aisée. J’ai reconnu aussi que les politiques étaient en mesure de donner de ces retards fâcheux des raisons qui semblent valables. Ne revenons pas sur ce sujet.


Le corps expéditionnaire français, auquel je suis ainsi conduit à consacrer quelques lignes, était encore en Égypte au moment où j’écrivais cet article, à soixante heures de navigation des Dardanelles. D’après le communiqué officiel du 9 avril, il était prêt, le 15 mars, à Lemnos, à rendre les services que l’on eût jugé convenable de lui demander. Le 15 mars, c’est trois jours avant la tentative infructueuse de la flotte combinée. Le rapprochement de ces dates est intéressant.

Nous n’avons point de nouvelles officielles du corps expéditionnaire anglais. Nous savons seulement que nos alliés ont pris possession de Ténédos, qui est aux Dardanelles ce qu’Helgoland est à l’estuaire de l’Elbe et même quelque chose de mieux.

De l’armée russe rassemblée à Odessa, point de nouvelles non plus et nous n’en aurons évidemment pas jusqu’au jour où elle aura pris terre à Kilia, ou à Kara-bouroun de Terkous, ou à Kara-bouroun d’Iniada. Cette ignorance et cette incertitude sont nécessaires. Il convient de les accepter d’autant mieux que, chacun le sent, l’opération dont il s’agit dépend dans une large mesure d’événemens diplomatiques qui ne sont peut-être pas encore entrés dans leur dernière phase. Quant à la flotte de la Mer-Noire, elle a fait preuve d’activité. Je le répète, il eût semblé désirable qu’elle agit à l’entrée du Bosphore au moment