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accidentées, solidement tenues par des troupes chinoises relativement aguerries. Les batteries de la défense sont bien armées, au moins aussi bien que l’escadre fort hétérogène de Courbet. Mais l’amiral français sait mettre à profit pour son attaque méthodique l’avantage qu’il a de descendre la rivière, alors que les ouvrages chinois sont plutôt disposés pour battre les navires qui voudraient remonter. Là, le succès est complet. Peut-être en eût-il été de même dans les Dardanelles, le 18 mars, si, tandis qu’une partie de la flotte combinée attaquait d’aval en amont, — on sait que le courant du détroit va toujours dans le même sens, de la Marmara vers l’Egée, — une autre eût pu prendre à revers, d’amont en aval, les batteries ottomanes. Il aurait fallu pour cela que cette division franchît le passage par surprise, la nuit, une nuit de mauvais temps. On avait d’assez bons pilotes pour ne pas craindre d’échouage. Mais on aurait probablement été découvert par les projecteurs et canonné avec plus ou moins de succès.

Restait donc le bombardement pur et simple, l’attaque directe exécutée par l’artillerie des unités de combat qui, partagées en plusieurs groupes, se présentaient successivement à l’ouvert du goulet Tchanak-Kilid Bahr, afin d’obtenir des feux continus. Mais ce n’était pas seulement dans cette journée décisive qu’il eût convenu de se donner cet avantage de la continuité du bombardement et d’enlever à l’adversaire la faculté de réparer à loisir ses pertes, de restaurer ses ouvrages, de se réapprovisionner en munitions. Combien il eût été désirable qu’il en pût être de même depuis le premier coup de canon tiré sur l’ensemble des ouvrages de l’étranglement coudé de Tchanak-Nagaral Oserai-je dire que c’était, à mon avis, une des conditions essentielles du succès ? — Oui, mais ce n’était pas possible. Pour entretenir un tel feu, soit directement, par le vestibule du détroit, soit indirectement, en faisant passer les projectiles par-dessus la péninsule étroite que baigne, au Nord, le golfe de Saros, un plus grand nombre de bâtimens était nécessaire, que ce fussent des cuirassés, des croiseurs (même anciens, pourvu qu’ils eussent d’assez grosse artillerie : type Edgard, par exemple), et, mieux encore, des bombardes ou bateaux-mortiers. Ces derniers n’existaient pas, je le sais, il y a six mois. Il n’en fallait pas tant aux arsenaux anglais pour en produire un type convenable, encore que provisoire et, peut-être,