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DANS LE LEVANT

Que voulait-on faire, le 18 mars dernier, lorsque la flotte combinée s’est présentée devant le redoutable étranglement coudé que les Anglais appellent the Narrows des Dardanelles ? Etait-ce un rapide « forcement de passe, » en vue d’obtenir, par la soudaine apparition d’une force navale importante devant Constantinople, une révolution favorable aux intérêts des Alliés ? Coup risqué, assurément, mais que pouvait autoriser l’exemple de Farragut. Le vigoureux amiral nordiste n’avait-il pas deux fois, en 1862 et en 1863, devant Wicksburg et devant Port-Hudson, franchi les défilés du Mississipi, sans s’embarrasser des pertes que lui causaient les canons et les torpilles des Confédérés, sans se préoccuper davantage de sa retraite et des conséquences lointaines de son audace ? Et si quelques-uns citaient le fâcheux précédent de l’amiral Duckworth, dont les vaisseaux avaient subi des avaries en repassant les Dardanelles, en 1807, après leur vaine démonstration devant la capitale turque, d’autres ne pouvaient-ils pas observer qu’après tout l’escadre britannique s’était tirée de ce mauvais pas ; que l’insuccès de sa mission n’était dû qu’à la difficulté d’attaquer efficacement, avec des bâtimens à voiles et une artillerie à faible portée, les nouvelles batteries que l’envoyé de Napoléon, Sébastiani, — le von der Goltz de l’époque, — avait fait élever à la pointe du sérail ; que rien de semblable, enfin, n’était à craindre pour les Alliés de 1915, puisque, à supposer qu’ils perdissent six cuirassés au lieu de trois en continuant leur route, de Tchanak à Nagara, ils seraient arrivés devant San Stefano avec douze grandes unités, sans compter les croiseurs, les contre-torpilleurs, les sous-marins même, et que la