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n’entrer pas en possession de ses droits ; mais il est encore très fâcheux de demander et être refusé, et obligé à souffrir le refus, qui sert, en quelque façon, de titre à ceux qui le font. C’est pourquoi il y a des personnes qui croient qu’il est à propos d’attendre un meilleur temps pour entamer cette affaire [1]. »

Ce mémoire est de 1649, suivant toute vraisemblance. Il indiquait la nécessité de procéder par étapes. Il fallait en effet : 1o affranchir la Régence d’Ensisheim de tout lien avec la Chambre d’Insprück ; 2o la transformer en un Conseil souverain ayant toutes les attributions d’un Parlement sans en porter le nom ; 3o étendre sa juridiction aux États immédiats sur lesquels elle ne s’était jamais exercée.


La première étape se fit sans bruit, sans secousse, à tel point que la date n’en saurait être exactement fixée. La Régence d’Ensisheim fut transférée à Brisach, resta présidée par le gouverneur, et on y fit simplement entrer, à côté d’anciens membres de l’ère autrichienne, quelques magistrats français. Ce changement de siège et de composition a dû se produire vers la fin de 1649. Naturellement, la nouvelle « Chambre royale de Brisach » dut se borner à exercer la juridiction sur les anciennes terres d’Autriche ; les autres États de la Haute comme de la Basse-Alsace continuèrent à porter leurs appels à Spire ou à juger sans appel, suivant les cas. Ajoutons que, malgré la présence de membres français, la Chambre de Brisach ne cessa pas de rendre ses arrêts en allemand, comme l’avait toujours fait la Régence d’Ensisheim, dont elle était l’héritière.

On en resta là jusqu’à l’arrivée de Colbert de Croissy comme intendant. Un de ses premiers rapports, — au commencement de 1657, — concluait à faire le second pas. Il s’agissait cette fois de transformer la Chambre de Brisach, corps à la fois administratif et judiciaire comme l’ancienne Régence d’Ensisheim, en un Conseil souverain, uniquement, mais pleinement compétent en matière judiciaire, à l’image des Parlemens. Toutes les précautions étaient prises pour ménager les susceptibilités. L’édit de création rappelait que le Conseil devait « procéder en la même forme et matière que faisait la Régence d’Autriche, et conformément aux lois et ordonnances des empe-

  1. Van Huffel, Documens inédits concernant l’histoire de la France et de l’Alsace sous Louis xiv (Paris, 1840), p. 196.