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marchander dans les hôtels ; nous avons gagné comme cela beaucoup d’argent ; mais il faut faire ses prix avant d’entrer. Au moment de payer, l’aubergiste ne vous rabattrait pas un sou.

« Nous sommes au centre des antiquités celtiques du Morbihan, et même de toutes les antiquités quelconques. Aujourd’hui, nous sommes allés visiter une pierre branlante, que les Druides ont placée dans un équilibre si instable que la main d’un enfant suffit, dit-on, pour la mouvoir. Quant à nous, nous n’avons pu l’ébranler. Sans doute, c’est parce que nous ne sommes plus assez enfans. Nous avons fait encore aujourd’hui le pèlerinage que tout Dreton fait une fois l’an, à Sainte-Anne d’Auray. C’est là qu’il y a des ex-voto, et de bien amusans, les tableaux surtout. Les murs en sont couverts. Enfin, nous sommes allés voir le monument élevé par le Duc d’Angoulême aux morts de Quiberon, et la place où on les a tués. Une seule chose nous désole : nos sacs sont à Châteaulin, notre linge est horriblement sale, et Francisque marche nu-pieds. Edouard devait nous envoyer nos sacs, et rien n’arrive. A part cela, nous serions les plus heureux voyageurs du monde.

« J’espère que nous serons là le 15 pour te souhaiter bonne chance : en attendant, nous te souhaitons bon travail. Rappelle-moi au bon souvenir de tes parens ; tu dois les avoir maintenant auprès de toi. Francisque te dit tout ce que je te dis. Si tu pouvais, à l’École, mettre ton nom, celui d’Alfred, d’Édouard, les nôtres et celui du Cacique sur tous les lits du petit dortoir, nous serions là chez nous, et ce serait bien agréable. Présente mes amitiés respectueuses à M. Callot. Adieu, mon bon vieux, je me couche ; nous verrons demain les champs de Carnac. »

Ainsi s’achevait cette longue équipée de plus d’un mois. Il était temps qu’elle prit fin, car, sans parler de l’argent qui s’épuisait vile dans la maigre escarcelle des voyageurs, en dépit de leur économie, About n’a plus de vareuse, Sarcey plus de souliers, tous deux plus de chapeaux. Ils rentrent donc, joyeux du plaisir réconfortant des marches en plein air et de l’apprentissage de la vie. Ils réintègrent l’Ecole, où va s’écouler leur seconde année de séjour, année relativement tranquille, car aucun examen n’en marque le terme, et il est loisible de s’abandonner au travail personnel. On y étudie gaiement, on y