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pour cela plusieurs jours ; mais les hôtels de Fontainebleau sont très chers ; il faudrait louer un petit appartement dans un village. Ah ! si M. Benoît voulait nous donner l’hospitalité pour quelques jours ! J’ai écrit à mon ami Benoît : son père était justement à Paris ; nous nous sommes entendus, et, moyennant la bagatelle de 360 francs, ces trois dames vont trouver aux Sablons, pour un mois, la table, le couvert, une société agréable et énormément de raisin. Pour moi, j’y serais allé quand même, mais j’aime mieux y aller ainsi.

« Nous voilà voisins, et j’espère que nous nous verrons quelquefois, par exemple à la vallée de la Solle, ou à quelque autre promenade à moitié chemin de Fontainebleau et des Sablons ; enfin, nous irons vous voir à Fontainebleau et vous nous montrerez le château.

« Nous partons d’ici le samedi 2 septembre, à 1 heures, par le bateau à vapeur ; nous serons vers 2 heures à Valvay ou Valvet ou Velvet (Valvins), à la hauteur de Fontainebleau. Là une voiture vient nous prendre au débarcadère ; nous ne nous verrons donc pas ce jour-là ; mais cela ne pourra tarder. Tu dois connaître Vacquier ; nous rirons.

« C’est dans cet espoir, mon cher ami, que je te serre la main pour écrire à Quinot que nous sommes admissibles et qu’Albert et Reynald ne le sont pas. Présente mes devoirs à tes parens et embrasse pour moi ta sœur et ton frère. »

Ainsi fut fait. About et les Pankratieff vinrent aux Sablons, tandis que la famille Bary villégiaturait à Fontainebleau, et les amis se virent aussi souvent que le permettaient les trois lieues qui les séparaient. C’est dans ces conditions qu’Edmond About et Arthur Bary préparèrent leur examen oral, qu’ils passèrent tous deux avec succès. Et, le 20 octobre suivant, ils entraient à l’Ecole normale, dans une promotion de vingt-quatre élèves, que Taine guidait, et qui se composait, en outre des lycéens de Charlemagne déjà cités, d’Edouard de Suckau, de Jules Libert, de Gustave Merlet, de Charaux, d’Heinrich, de Dionys Ordinaire, de Rieder, qui tous devaient se faire plus tard un nom honorable dans les lettres et dans l’Université. De ce moment, la suprématie d’About, jusque-là si manifeste, cessa d’être incontestée. Hippolyte Taine, qui venait du lycée Bourbon-Bonaparte, — aujourd’hui Condorcet, — apportait avec lui une intelligence plus ample, une volonté