les plus modérées, sur le devoir patriotique. Mais, ce qui n’est pas moins remarquable, c’est que ce genre de pacifisme ne s’est pas développé comme on aurait pu s’y attendre. Il ne s’est pas complètement atrophié, tant s’en faut. Des maximes évangéliques, il a subsisté une très belle exhortation à la mansuétude, entre peuples comme entre individus. Mais, pris dans leur ensemble, les écrivains chrétiens des premiers siècles ne se sont pas mis en lutte ouverte avec la morale civique de la société profane ; ils ont conseillé la paix sans condamner la guerre.
« Pris dans leur ensemble, » disons-nous, car il est clair qu’il y a entre eux bien des divergences, dans le détail desquelles nous ne saurions entrer ici. Ce qu’on en peut retenir, c’est que l’acceptation de la guerre est en général plus nette chez les auteurs relativement récens que chez les docteurs primitifs, chez les Pères latins que chez les Pères grecs, chez les orthodoxes que chez les hérétiques, chez les évêques et les hommes d’action enfin que chez les purs spéculatifs. Cette classification, forcément sommaire et approximative, n’a rien qui doive surprendre. Ceux qui inclinent le plus à interdire aux fidèles le service des armes, ce sont les théologiens de cabinet. C’est, au premier rang, Origène, héritier du gnosticisme alexandrin et, par lui, de la métaphysique grecque, autant que de la doctrine chrétienne. Origène s’indigne que l’on demande à ses coreligionnaires « de servir pour le bien public et de tuer des hommes, » et, contre cette prétention, il invoque l’autorité de Jésus, qui a ordonné de changer les glaives en socs de charrues et les lances en faulx. « Nous ne tirons plus l’épée contre aucune notion, nous n’apprenons plus à faire la guerre, devenus que nous sommes, grâce à Jésus, les fils de la paix. » C’est encore, si l’on veut, Arnobe et Lactance, deux rhéteurs convertis, qui semblent avoir en horreur la profession militaire. On a souvent cité, du second, la prohibition formelle : « Le juste n’a pas le droit de porter les armes, » neque mtiitare justo licebit. Mais il faut bien prendre garde que Lactance se borne à tracer le tableau d’une vie parfaitement conforme à la doctrine chrétienne, sans s’inquiéter beaucoup des conditions pratiques dans lesquelles les fidèles peuvent réaliser plus ou moins cet idéal. Il présente la morale nouvelle dans son maximum, en quelque sorte, et, pour parler le langage de la