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écrivait de Colmar à son oncle, le 20 septembre 1650 : « La plupart de ceux qui doivent demeurer en vertu du traité de paix sous l’obéissance du Roi feront ce qu’ils pourront pour faire croire qu’ils sont de l’Empire. » Les édits tendant à habituer les habitans à l’idée du nouveau régime, comme ceux qui prescrivaient au clergé de ne faire mention dans ses prières que du Roi Très Chrétien et aux notaires d’agir de même dans les actes publics, avaient peu d’efficacité. Les cités de la Décapole se dérobaient sous mille prétextes à l’obligation de recevoir le comte d’Harcourt comme grand-bailli et de lui payer la modeste redevance qui lui appartenait à ce titre. Il consentit même, pour en finir, à leur délivrer des lettres réversales où il s’engageait expressément à les « maintenir dans leurs franchises, possessions, libertés et immédiateté envers le Saint-Empire. » (11 juillet 1653.)

Le comte d’Harcourt fut désavoué, car le Gouvernement français ne tenait pas à préciser les stipulations savamment dubitatives de la paix de Westphalie. D’ailleurs, le moment approche où la fin des troubles va permettre une politique plus assurée en Alsace. Le comte d’Harcourt ne jouera plus qu’un rôle nominal, jusqu’au jour où il échangera son gouvernement contre celui de l’Anjou (1660), et la mort de M. de Baussan (1655) permit de mettre à la tête de la province comme intendant un homme de premier plan. C’est Colbert de Croissy, frère du grand ministre alors secrétaire de Mazarin, dont la famille commençait à se poser en face de la dynastie des Le Tellier. C’est lui qui va inaugurer la politique de rattachement de l’Alsace à la France. Colbert de Croissy n’avait encore que vingt-six ans, mais il avait déjà fait ses preuves. Il avait été intendant de l’armée conduite par le duc de Guise à la conquête fallacieuse du royaume de Naples, et il était présentement conseiller du Roi en ses conseils et intendant des ports de la Méditerranée en résidence à Toulon. À son titre d’intendant se joignit bientôt la charge de conseiller au Parlement de Metz. Il a vraiment inauguré le régime français en Alsace, avec décision, mais non sans diplomatie, comme il convenait à un futur ministre des Affaires étrangères.

Colbert de Croissy, malgré son tempérament autoritaire, n’avait pas la prétention de faire de l’Alsace une province centralisée et unifiée, comme l’étaient à peine les plus vieilles