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traîne à sa suite. C’est le totem de l’Empire, l’idéal du fonctionnaire. On est tenté de l’appeler Von Gott.

Non, ces idées-là ne réussiront pas chez nous. Le culte de l’État nous venait d’Allemagne et devenait menaçant. L’Étatisme sortira vaincu de la présente lutte.

« L’Allemand, écrivait il y a huit jours bien justement M. Maurice Barrès, est un faible individu qui tire de l’Empire son âme guerrière et son aspiration surhumaine… En s’anéantissant, l’Empire arracherait à l’individu allemand l’âme même que nous lui voyons, lui soutirerait son être moral. »

L’individu français n’a pas besoin de cet entourage et de ce soutien. C’est un individu confiant en sa propre raison et sa propre initiative, amoureux de l’indépendance, refusant de confondre le bon droit avec l’artillerie de l’Empereur, et la vérité avec la raison d’État.

Il se sent roi dans son domaine, et entretient simplement avec la société un échange de bons offices. La Société ne pourra jamais lui offrir un appui moral supérieur, n’étant que la collection de ses semblables ; et la Mana, Divinité sociale, n’étant qu’une chimère. Il ne professera donc jamais la Religion de l’État. S’il veut prier, son culte et ses prières s’adressent à une puissance et à une justice éternelles. Il a confiance en la liberté et foi en Dieu.

Il n’est pas surprenant que l’esprit religieux, quand il revêt deux formes si différentes entraine les âmes dans des directions opposées. Ceux qui ont gardé la notion de l’absolu, — comme dit M. Gaudeau, — et qui adorent la vérité et la justice éternelles, voudront respecter les faiblesses et soulager les misères de l’humanité : ceux-là seront chrétiens. Ceux qui jugent toute relative la valeur des notions atteintes par notre intelligence, et par suite professent la religion de la force et le culte de l’État, ne songeront qu’à vaincre et à dominer. Je suppose que les « dieux des nations » dont parlent les psaumes étaient autant d’exemplaires du Dieu-État qui, par nature, est intolérant et exclusif : Oculos hahet et non videt ; aures habet, et non audit.

M. François Veuillot montre dans un éloquent chapitre, intitulé : la guerre aux églises et aux prêtres, les passions qui animent l’armée allemande poussées jusqu’à la férocité.

Il commente, d’après le récit saisissant d’un Hollandais protestant M. L.-H. Grondijs, le crime de Louvain. Il décrit