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d’un esprit nouveau. Il prononça ces paroles en répondant à une interpellation dont j’étais l’auteur. Que d’efforts désespérés et que d’intrigues ont retardé cet avènement ! La jeune génération, vaillante, sensée, unie par la fraternité des armes, verra l’esprit nouveau non pas triompher et exercer des représailles, — mais se répandre tout naturellement. Des réformes contraires à la liberté n’ont jamais répondu à un besoin ni satisfait une passion de notre pays ; et la guerre actuelle est une suprême lutte entre l’étatisme à outrance et la liberté.

Si l’on veut bien connaître notre pays, ce n’est pas sûr de banales manifestations administratives, arrêtés de préfets, circulaires de ministres, qu’il faut le juger. C’est sur les efforts de l’initiative privée. Les Français ont été souvent médiocrement gouvernés. Ils gagneraient beaucoup à l’être le moins possible.

Contre la loi de 1903, ils luttent pour la liberté d’enseignement et la maintiennent. Malgré la rupture du Concordat et l’absence de toute organisation nouvelle, ils font vivre leurs églises. Les diocèses, presque toutes les paroisses, sont maintenues. Les Espagnols ont le droit de vanter leur foi solide, mais ont-ils jamais connu de pareilles épreuves ? Les Italiens ont l’Associazione per un scopo religioso, — ressource qui a sauvé chez eux les congrégations, et qui nous manque.

Et, dans une occasion solennelle, dans un moment douloureux, le Saint-Siège a pu s’assurer de l’inébranlable fidélité de la France. Beaucoup d’évêques étaient prêts à former des associations cultuelles ; des catholiques les priaient d’accepter la nouvelle loi. Le Pape la rejeta. Six cents millions de biens dus à d’anciennes fondations en faveur d’établissemens ecclésiastiques furent réputés biens sans maîtres. Cependant, pas une hésitation ne se produisit. Et la France catholique poursuivit vaillamment sa lourde tâche : paroisses, écoles, missions, en parfaite et respectueuse déférence envers les décisions du Chef de l’Eglise universelle.

Une pareille soumission ne peut être dictée que par un sentiment purement religieux. Tout acte politique se discute. Il n’y aura jamais de parti catholique en France ; non, rien qui ressemble au Centre allemand, — parce que la Foi catholique, uniquement religieuse, ne conduit pas chez nous à des manifestations politiques. Je suis fermement convaincu que le cléricalisme a été inventé ou au moins considérablement augmenté et