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prince de la maison d’Autriche ne pourra ni ne devra jamais en aucun temps prétendre ou exercer (usurpare) aucun droit et pouvoir sur les susdits pays. » Et l’article 79, abondant dans le même sens, stipule que l’Empereur, l’Empire et l’archiduc Ferdinand-Charles délieront du serment de fidélité envers eux tous États, officiers et sujets des territoires cédés.

Voilà qui paraît clair. Mais l’article 89 intervient pour tout remettre en question. Le Roi Très Chrétien y « maintient dans leur immédiateté non seulement les évêques de Strasbourg et de Bâle, et la ville de Strasbourg, mais aussi les autres États immédiats de la Haute et de la Basse-Alsace, abbés de Murbach et de Lure, abbesse d’Andlau, abbé de Munster, comtes palatins de la Petite-Pierre (Lutzelstein), comtes et barons du Hanau, Fleckenstein et Obernstein, la noblesse de toute la Basse-Alsace. De même il laisse les dix villes impériales de la préfecture de Haguenau dans la liberté et possession d’immédiateté à l’égard de l’Empire dont elles ont joui jusqu’ici, de manière à ne pouvoir prétendre ultérieurement sur tous ces États aucune suprématie royale, mais à se contenter des droits qui appartenaient à la maison d’Autriche et qui sont cédés à la couronne de France par ce traité. » Évidemment, cet article ne se concilie pas avec les précédens. Et, pour porter au comble la confusion, l’article 89 finit lui-même par un paragraphe qui reprend ce que le corps de l’article avait accordé : « Pourtant (ita tamen) il est entendu que par la présente déclaration, rien n’est retiré de tout le droit de souveraineté cédé plus haut. » Cet ita tamen est un des triomphes de l’art d’embrouiller les textes.

Voilà en quels termes systématiquement contradictoires, calculés pour sauver la face du vaincu sans rien retrancher des exigences du vainqueur, l’Alsace était donnée à la France. Il fallait que les conquêtes de la France se fissent, ou parussent se faire, aux dépens de l’Empereur, et non de l’Empire. C’est pourquoi l’Alsace était rattachée à la France sans être franchement détachée de l’Empire. Et cette solution bâtarde ne déplaisait pas autant qu’on pourrait le croire à la diplomatie française, qui envisageait volontiers la possibilité pour le roi de France de se faire élire empereur, ou tout au moins d’être représenté à la Diète, comme l’étaient le Danemark et la Suède pour leurs possessions d’Allemagne.

Notre but n’est pas de reprendre aujourd’hui l’éternelle