Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des plans du grand état-major allemand. Du moins, Powell l’affirme en termes précis : «… Le grand mouvement de flanc des Alliés contre les envahisseurs de la France avait été redevable de son succès à cette énergique offensive des Belges qui, cela a été prouvé depuis, agissaient en coopération étroite avec l’état-major général français… »

Weerde paraît être le centre de cette bataille dont le correspondant du New York World ne manque pas de suivre les moindres péripéties. Il comprend bien que cette tentative sera la dernière pour briser le cercle qui se dessine autour d’Anvers. Le roi Albert ne veut pas se laisser enfermer, et ses adversaires sont décidés à l’y contraindre. Et, quoique toute la bataille se résume dans le conflit de deux volontés et que la victoire récompense en principe la plus tenace, les forces en présence étaient trop disproportionnées pour que cet axiome militaire fût encore une fois vérifié par les événemens.

D’ailleurs, Powell ne cherche pas à faire, pas plus que naguère, une critique technique des faits. Ce spécialiste du reportage militaire comprend qu’il n’aurait pas les moyens de la justifier. Les diverses campagnes dans les quatre parties du monde, où s’est formée son expérience, n’étaient que les répétitions des couturières du drame ultra-terrible auquel il assiste le 13 septembre et jours suivans. Jamais, en effet, il n’avait vu réunis, sur un espace relativement restreint, tant de gens résolus à s’entre-tuer avec des engins aussi perfectionnés.

À cette période de la guerre, l’art militaire ne s’était pas encore figé dans la défense ou l’attaque de tranchées. Les ouvrages de fortification passagère n’étaient que l’accessoire utile d’une stratégie et d’une tactique de mouvemens. Les adversaires manœuvraient, faisaient des feintes, se tendaient des pièges, comme aux époques classiques où la variété des combinaisons, la rapidité des marches, la divination du chef, plus encore que la bravoure des exécutans, suffisaient fréquemment pour triompher. Mais les effets d’un tir servi par un matériel dont on avait trop méprisé la meurtrière puissance ; les conditions récentes de vulnérabilité relative des troupes qui, chez les Allemands, ne formaient que des objectifs imprécis et presque invisibles ; l’emploi d’abris qui permettaient d’appliquer à la perfection le principe de l’économie des forces, étaient des facteurs, secondaires en apparence, dont il fallait maintenant