Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des préparatifs d’Avant-Guerre aussi bien machinés que ceux qui furent dénoncés chez nous par M. Léon Daudet. N’importe, puisqu’ils sont éventés à temps. Toutes les classes sociales font bloc autour de leur roi. L’aristocratie de la naissance et celle de l’argent s’enrôlent et vont gaîment au feu après quelques jours de dressage. Les boys-scouts s’offrent comme estafettes, — deux d’entre eux seront fusillés par les Allemands, — et se rendent utiles de toute manière. Les gardes civiques à qui l’ennemi refuse la qualité de belligérans, s’ils ne sont pas tous et toujours des héros, sont au moins de braves gens qui servent de leur mieux leur pays. Cette union morale réalisée sans fanfaronnades, cette abnégation dans le sacrifice matériel, semblent impressionner d’abord Powell. Il observe tout avec l’intérêt d’un galant homme qui suivrait les péripéties d’une lutte entre deux adversaires inégaux. C’est un combat qui ne peut manquer de plaire à tout bon Anglo-Saxon. Mais si le plus fort, pressé de triompher, a recours à des coups défendus, la curiosité sportive se change en dégoût indigné pour l’attentat et en sympathie pour la victime.

Évidemment, l’emploi de zeppelins qui laissent, pendant la nuit, tomber des bombes sur les maisons d’Anvers et massacrent des habitans inoffensifs, est un de ces actes qui disqualifient leur auteur. Alexander Powell le pense et l’affirme : « Sur aucun champ de bataille, écrit-il, je n’ai vu un spectacle aussi horrible que celui qui me souleva le cœur et me fit presque défaillir lorsque je pénétrai dans une de ces maisons bouleversées… Si j’insiste sur ces détails, si révoltans soient-ils, c’est afin d’établir clairement que les seules victimes de ce raid aérien furent d’innocens non-combattans. » C’est assez pour orienter désormais ses préférences. Les Allemands, s’il en rencontre, n’auront plus droit, de sa part, qu’à une attitude correcte, et rien de plus. Tel est d’ailleurs le sentiment général de ses compatriotes qui habitent encore Anvers et qui se sont réunis pour en délibérer : « … On traitait les intrus casqués avec une politesse glaciale ; autrement dit, il ne fallait leur offrir ni cigares, ni boissons. » Après cela, peut-on résister au plaisir de constater que l’excellente mitrailleuse en service dans l’armée belge est d’un modèle américain, et que la Compagnie américaine des téléphones a rendu au gouvernement belge des services éminens ? Eh bien ! Powell n’y résiste pas. Il éprouve