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trouvera pas beaucoup d’exemples d’un accroissement de puissance obtenu dans des conditions aussi rapides. Toutefois l’Italie délibère encore et, suivant notre habitude, nous ne voulons pas, même en apparence, peser sur sa liberté qui doit rester entière et dont elle fera l’usage qui lui conviendra.

Nous raisonnons dans l’hypothèse où nous serons vainqueurs avec elle, où elle sera victorieuse avec nous. Mais peut-on douter de cette victoire ? A tous les motifs de confiance que nous avions déjà, viennent s’ajouter ceux qu’il nous est permis de tirer du langage des journaux allemands. Il est bien changé depuis quelque temps ! La presse allemande veut croire quand même à une issue favorable pour son pays, mais elle y croit de plus en plus faiblement et commence à reconnaître que l’Empire ne combat plus pour la domination, mais pour la vie. La Gazette de Francfort s’efforce de. lutter contre l’évidence. « Nous allons de l’avant, dit-elle, pour la défense de notre existence nationale, guidés par le sentiment profond que la victoire du peuple allemand n’est pas une affaire de hasard, mais une nécessité métaphysique. » Et elle explique que le peuple le meilleur, le plus humain, le plus doux, le plus modeste, — on reconnaît à ces traits le peuple allemand, — doit métaphysiquement être le plus fort. Il faut lui laisser cette illusion jusqu’à ce que l’événement la dissipe. Mais on ne s’attendait guère à voir la métaphysique en cette affaire et il est douteux que son intervention fasse plus d’effet sur l’Italie que sur nous.


Le gouvernement des États-Unis vient de répondre au décret français du 16 mars et à l’ordre en conseil du gouvernement britannique relatifs aux mesures prises pour arrêter en mer les marchandises appartenant à des Allemands ou venant d’Allemagne, ou expédiées sur elle. Cette réponse témoigne d’un grand désir de justice et diminue la distance qui paraissait d’abord nous séparer de la conception américaine La réponse de M. Bryan déclare en effet que, « comme il est naturel, le gouvernement des États-Unis tient compte des grands changemens intervenus dans les conditions et moyens de la guerre navale depuis que les règles adoptées jusqu’ici pour effectuer un blocus légal ont été formulées. » Nous n’en demandons pas davantage : il ne reste plus qu’à tirer les conséquences de cet aveu.

Les règles établies jusqu’ici sont, comme le dit M. Bryan, le résultat de « l’usage » et de la reconnaissance des nations civilisées. Sans doute l’usage, pour être définitivement consacré, a besoin de