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hellénique pour l’envoyer à Constantinople. Sur ce point encore, M. Venizelos a donné des explications très nettes. Le faible détachement qu’il proposait d’envoyer dans les Dardanelles ne pouvait pas affaiblir l’armée grecque, et si M. Venizelos avait réduit à ce point le contingent expéditionnaire, c’est justement parce que, en dépit de ses efforts pour s’assurer de la neutralité bulgare, il avouait n’y avoir pas réussi. L’emprunt de 150 millions fait par Sofia à Berlin lui avait ouvert les yeux. Ces cessions territoriales qu’on lui a tant reproché d’avoir voulu faire, et grâce auxquelles il avait cru un moment pouvoir compter sur le concours de la Bulgarie, il y avait déjà renoncé au moment où on lui en faisait un crime. Que résulte-t-il à nos yeux de toutes ces révélations ? Nous n’avons pas à prendre parti entre M. Venizelos et le Roi ; c’est l’affaire des Grecs et non pas la nôtre. Le point qui nous intéresse est de savoir que, dans l’intérêt de la paix balkanique, M. Venizelos a été un moment disposé à faire des sacrifices territoriaux qui devaient pourtant lui coûter. C’est là-dessus qu’on l’attaque et qu’on essaie même de le disqualifier : on cherche à l’abattre en faisant de lui l’homme qui a voulu céder Cavalla ! On ne tient compte ni des circonstances qui sont difficiles, ni de l’avenir qui est incertain, ni des compensations qui étaient très grandes, ni des services rendus qui sont immenses. L’histoire jugera.

Il est à croire, d’après tout ce qui précède, que les neutres, jusqu’à nouvel ordre, ne bougeront pas dans les Balkans. La Grèce a refusé de se joindre à l’expédition des Dardanelles, sans même attendre qu’on le lui eût demandé, et la Bulgarie, à son tour, s’est déclarée plus neutre que jamais. Laissons-les à leurs méditations, à leurs préférences. Quant à la Roumanie, elle ne parle plus et semble se recueillir : elle observe sans doute ce qui se passe sur les cols des Carpathes, où nous espérons qu’elle verra bientôt des choses de nature à l’intéresser, car les Russes y sont très sensiblement en progrès. Et l’Italie ? De tous les pays neutres susceptibles de prendre part un jour aux hostilités, c’est le plus grand et le plus important ; mais c’est aussi celui dont la politique est la plus prudente et par conséquent la plus difficile à pénétrer.

Où en sont les négociations avec M. de Bülow ? Nous serions bien en peine de le dire ; mais il est hors de doute, pour peu qu’on lise les journaux attentivement, que ces négociations ne sont pas les seules que l’Italie poursuive en ce moment. En poursuit-elle de plusieurs côtés concurremment ou alternativement ? C’est encore un point mystérieux ; mais, à coup sûr, l’Italie ne négocie pas avec l’Allemagne