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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : l’Ami Fritz. — Faits ce que dois. — PORTE-SAINT-.MARTIN : Les Oberlé. — THEATRE SARAH-BERNHARDT : l’Aiglon. — NOUVEL-AMBIGU : Marceau ou les Enfans de la République.


On nous avait annoncé, pour le mois qui vient de s’écouler, une grande activité dans les théâtres. On devait faire d’importantes reprises et même monter des pièces nouvelles. Subitement les interprètes se sont trouvés indisposés, ou atteints d’empêchemens imprévus. Ces coïncidences opportunes et ces maladies diplomatiques n’ont surpris personne : elles sont dans la logique de la situation où nous nous trouvons. Le moment n’est guère à renouer des relations que depuis longtemps nous avions laissées tomber, et nous ne sommes pas d’humeur à faire accueil à de nouveaux visages. Nous nous replions sur nous-mêmes : dans l’intimité jalouse où nous nous enfermons, nous n’admettons que de vieux amis.

Un ami de quarante ans, c’est l’Ami Fritz. La Comédie-Française l’a trouvé tout prêt, quand il s’est agi de reparaître devant le public. Il est des pièces heureuses, d’un effet sûr et dont l’attrait ne vieillit pas, auxquelles on s’empresse de recourir dans les momens de pénurie : le Monde où l’on s’ennuie, l’Arlésienne et quelques autres, en petit nombre. La pièce d’Erckmann-Chatrian est l’une d’elles. Représentée en 1876, et tout de suite avec un éclatant succès, elle n’a plus cessé de tenir l’affiche ; et c’est encore à elle qu’est allée la plus forte recette, en l’année I1M4 ! Il s’en faut d’ailleurs que ce succès ait été sans soulever à l’origine d’assez vives réclamations. J’ai le souvenir très net des polémiques qui accueillirent la pièce dans sa nouveauté. On lui reprochait son réalisme. La scène est occupée pendant tout le premier acte par une table copieusement servie. M. Kobus et les amis de M. Kobus sont attablés devant de savoureuses victuailles