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mesure fût parfaitement acceptable, et la surveillance paraît très susceptible d’être efficacement exercée.

L’impôt de la licence frappe aujourd’hui près de 500 000 cabarets, de droits variant entre 20 francs et 450 francs par an ; il produit 27 millions, soit en moyenne 54 francs par débit., En le portant entre 100 francs, comme minimum, et 2 000 ou 3 000 francs, par exemple, comme maximum, on amènerait sûrement une réduction énorme du nombre des cabarets vendant de l’alcool. Mais c’est là qu’un appel énergique aux sentimens de la population, pour le salut de la patrie, sera nécessaire, si l’on veut triompher de la résistance de la puissante corporation des débitans. Beaucoup d’entre eux, dans les pays où leur nombre est tel que la clientèle de chacun est très restreinte, devront fermer boutique, faute de pouvoir supporter l’impôt. Les tentations offertes partout aux travailleurs et l’alcoolisme, dont les débitans sont les premières victimes, seront singulièrement réduits.

Jointe à l’avance à faire par les débitans pour payer 3 ou 4 centimes de surtaxe par petit verre d’alcool, l’augmentation des licences amènerait sans doute une hausse d’un sou dans le prix de vente. Si le prix ne s’élevait pas, ce serait, l’expérience le montre, la contenance du petit verre, la teneur du liquide en alcool qui diminuerait. Le buveur obstiné, qui consacre à l’alcool toutes les ressources dont il dispose et qui saura toujours trouver un cabaret, serait obligé de diminuer d’un tiers sa consommation d’alcool pur. Le paysan bouilleur de cru ne considérerait plus l’eau-de-vie comme un produit qu’on consomme sans hésitation, parce qu’il ne coûte rien. Une des réformes les plus efficaces pour le salut de la race serait réalisée, non seulement sans sacrifices du budget, mais encore avec un gain sérieux. En effet, même si la consommation d’alcool était réduite d’un tiers et le nombre des cabarets de moitié, ce qui serait un résultat immense et difficile à espérer, le rendement de l’impôt, grossi de 300 ou 400 francs par hectolitre, augmenterait d’au moins 200 millions, le jour où les bouilleurs de cru rentreraient réellement dans le droit commun.

L’empereur de Russie a été bien au-delà de ce que nous réclamons quand, dès le début de la guerre, il a fermé dans tout son empire les débits de boisson. On sait que la vente de ]’eau-de-vie avait été transformée, en Russie, en un monopole