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reconnaissans. Mais, pour arrêter les ravages que l’alcool exerce sur l’effectif et sur la qualité de la population, il faut aller plus loin : il faut restreindre la consommation taxée ou non taxée et amener la fermeture d’une partie des cabarets existans. Comme l’exposait M. Raphaël-Georges Lévy, dans l’étude précitée, le meilleur moyen, pour y arriver, c’est de renchérir l’alcool et d’en restreindre le commerce, par des taxes écrasantes.

Les impôts sur l’alcool, comme les prélèvemens sur le jeu et quelques autres objets, ont cet immense avantage, qu’à l’inverse de la plupart des autres taxes, ils sont profitables, non seulement par le produit qu’ils donnent, mais plus encore peut-être par les consommations qu’ils empêchent. En les majorant, il n’est pas douteux qu’on procurera à l’Etat des ressources nouvelles, dont il va avoir grand besoin. Ces ressources ne seront pas, il est vrai, proportionnelles à l’aggravation de l’impôt, car la consommation sera sûrement entravée par la hausse des prix : ce sera là un avantage plus grand encore pour la patrie.

L’alcool supporte actuellement, en France, un droit général de consommation de 220 francs par hectolitre, qui a produit 356 millions en 1912, — avec une diminution de 10 millions par rapport à 1911, tenant à l’abondance de la récolte des fruits distillés par les bouilleurs de cru. L’Etat perçoit, en outre, un droit d’entrée dans les villes, s’élevant à 30 francs au maximum, qui produit 17 millions. Un grand nombre de communes y ajoutent des droits d’octroi, dont le plus élevé, à Paris, atteint 165 francs, et qui produisent 51 millions. Le montant total des impôts, par hectolitre d’alcool pur, varie donc entre 220 francs dans les campagnes et 415 francs à Paris ; ils ont produit, en 1912, 424 millions pour 1 619 000 hectolitres taxés à la consommation, soit en moyenne 2 fr. 62 par litre, 3 centimes environ par petit verre.

En Angleterre, le droit d’excise a été majoré successivement jusqu’à atteindre 711 francs par hectolitre d’alcool pur. On pourrait, sans atteindre ce chiffre, même à Paris, doubler le droit de consommation, — et, sans l’atteindre, en moyenne, élever le droit à 500 ou 600 francs, ce qui porterait à 6 ou 7 centimes la taxe sur chaque petit verre.

Mais l’augmentation de la prime à la fraude développerait énormément la production non surveillée des bouilleurs de cru,