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une consommation moyenne de 1 000 petits verres par an, — 3 000 petits verres dans les villes comme Le Havre, Rouen, Caen, Boulogne, où la consommation d’alcool pur, par tête d’habitant, est voisine de 12 litres.

.A côté de cette consommation constatée par le fisc, il en est une autre dont l’importance, impossible à chiffrer, est certainement considérable, celle de l’alcool produit par les bouilleurs de cru. On sait que ce nom désigne les propriétaires ne distillant que les fruits de leur récolte. La loi leur accorde, à titre de consommation de famille, la franchise pour 20 litres d’alcool pur ; mais, comme aucune surveillance n’est exercée sur leur production, leur consommation exemple de droits n’a, en réalité, d’autre limite que cette production ; beaucoup d’entre eux alimentent même le commerce de la région, en lui vendant en fraude des quantités d’eau-de-vie souvent considérables. Le recul de la consommation taxée, depuis que la production des bouilleurs de cru s’est accrue, grâce à la reconstitution du vignoble et notamment dans les années de bonne récolte de fruits, tient en grande partie à l’essor de cette consommation frauduleuse. La loi n’exprime que trop la vérité, en appelant allocation familiale la quantité pour laquelle la franchise est accordée aux bouilleurs de cru : comme cette quantité et celle, bien plus considérable, qui échappe illégalement au fisc, sont consommées à domicile et non au cabaret, elles empoisonnent les femmes et les enfans eux-mêmes, en même temps que les hommes, dans toutes les régions productrices de fruits abondans où l’habitude de bouillir s’est répandue.

La production des bouilleurs de cru ajoute peut-être, suivant les années, deux ou trois dixièmes à celle que constate seule la statistique fiscale.

Ce que la consommation d’alcool actuelle représente de tares individuelles et héréditaires, de crimes, de folies, de morts prématurées dues à des dégénérescences de formes diverses, à la tuberculose, à la misère résultant des dépenses faites au cabaret et des journées de travail perdues, on l’a exposé bien souvent. Le Gouvernement préposé aujourd’hui à. la défense nationale s’en est ému : il a interdit la vente de l’absinthe, dans laquelle le poison de la thuyone s’ajoute à celui de l’alcool ; il a interdit l’ouverture de nouveaux cabarets. Ce sont là des services signalés, dont nous ne saurions lui être trop