Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/852

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spéciales. [Mais les lois générales visent, les cas habituels, et, quand elles ouvrent des droits à des allocations prélevées sur le budget de l’Etat, des départemens ou des communes, pour quiconque remplit certaines conditions, elles ne doivent les ouvrir qu’à ceux qui n’ont réellement pas pu pourvoir à leurs propres besoins et se prémunir pour l’avenir, à raison des charges assumées par eux en donnant au pays des citoyens.

Dans le grand courant de pitié pour les déshérités qui pénètre chaque jour davantage toute la législation, on parle constamment du droit des prolétaires à être aidés et soutenus. C’est le cas de ne pas oublier le sens étymologique du nom qu’on leur donne : il désignait, à Rome, le citoyen qui ne peut apporter son concours à l’Etat qu’en élevant des enfans. La première chose à demander au législateur, pour combattre le fléau de la dépopulation, c’est de ne pas oublier, quand il croit juste d’accorder une faveur aux prolétaires, que c’est aux pères de famille seuls qu’il la doit, parce qu’eux seuls ont supporté les charges d’une existence normale.

M. Leroy-Beaulieu insiste avec raison sur ce fait, que c’est la naissance du troisième enfant qu’il faut encourager. Les familles de quatre enfans ou plus doivent sans doute être le plus énergiquement soutenues ; mais elles resteront toujours l’exception, et bien des ménages auraient grand’peine a en assumer les charges. La plupart, en France, considèrent même que deux enfans constituent le nombre raisonnable, celui qui assure le remplacement du père et de la mère ; mais alors, d’une génération à l’autre, les jeunes gens morts prématurément, les célibataires, les ménages stériles ne seront pas remplacés, et la décroissance sera rapide. Avec trois enfans en moyenne par ménage sain et valide, l’avenir serait assuré par une progression modérée de la population. Seulement, faire commencer au troisième enfant les avantages de la paternité, c’est les reculer, pour les jeunes ménages, dans un avenir bien éloigné. Le second enfant est sur le chemin du troisième et suppose déjà des charges de famille appréciables. Persuadé que les bienfaits de la loi doivent être réservés aux pères de famille, nous croyons qu’il faut commencer à les leur faire goûter partiellement dès le second enfant, sauf à ne les accorder avec le plein tarif que pour le troisième et pour chacun des suivans.