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l’autre, le nombre des enfans à un point de vue indépendant de la satisfaction des vœux et des affections personnelles des parens : l’une est la foi en une providence qui règle elle-même l’essor des familles et défend de limiter le nombre de ses créatures ; les deux autres sont le patriotisme ou la solidarité de classe, qui font envisager la question de la population au point de vue des intérêts d’une collectivité. Les croyances religieuses, comme les conceptions scientifiques et philosophiques, dépendent de conditions d’un ordre supérieur aux conséquences pratiques à attendre des unes ou des autres, et l’on ne saurait, sans manquer à toute probité intellectuelle, faire dépendre la foi ou la pensée d’intérêts sociaux, si grands soient-ils ; il importe cependant de constater que la guerre, comme toutes les grandes causes d’exaltation sentimentale, tend à réveiller les croyances religieuses, favorables à une forte natalité. L’amour de la patrie, le dévouement aux intérêts de classe ont, au contraire, un caractère essentiellement pratique et social. Leur action s’exerce, en ce qui concerne la natalité, dans des sens opposés : tandis que la patrie réclame des citoyens, le socialisme syndicaliste a popularisé, dans certains milieux, un des argumens de la propagande néo-malthusienne moderne, tiré des avantages à attendre, pour les classes ouvrières, de la raréfaction de la main-d’œuvre. Or, la guerre a singulièrement modifié l’importance relative de ces deux sentimens : l’attitude des partis ouvriers, depuis le début des hostilités, a prouvé que les préoccupations de la lutte de classe s’effaçaient devant le danger national ; ce danger a montré aussi combien le patriotisme était resté vivant, même dans les cœurs où on avait pu craindre qu’il eût entièrement disparu, combien était devenue tout à coup impossible la propagande antimilitariste, qui avait conduit nos ennemis à proclamer et beaucoup de Français à craindre, au fond de leur cœur, une déchéance irrémédiable de la grande nation d’autrefois. C’est sur l’amour de la patrie qu’il faut tout d’abord compter, pour arrêter le fléau menaçant de la dépopulation.

A vrai dire, nous ne doutons pas qu’il ait ce résultat, au premier moment, et qu’après la guerre la natalité reprenne, dans la mesure compatible avec la diminution du nombre des jeunes hommes. Mais, pour que le mouvement se continue, quand arriveront à l’âge de se marier les classes que la guerre