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UNE
ENNEMIE DE L’AUTRICHE
LA PRINCESSE CHRISTINE TRIVULCE DE BELOGIOJOSO


L’Autriche est venue, elle a remis son manteau de plomb sur les Italiens, elle les a forcés de regagner leur cercueil.
CHATEAUBRIAND.
Mémoires d’Outre-Tombe.
La vieille gloire est éteinte et les terres d’Italie sont pleines de tyrans.
GlUSEPPE GlUSTI.


Dernièrement, en feuilletant une liasse de vieilles lettres, j’eus la bonne fortune de reconnaître au bas de quelques-unes la signature de la princesse Belgiojoso. Elles me parurent attachantes, car on y sent l’ardeur d’une conviction sincère, d’une volonté persévérante. Je parlai de ces lettres à quelques érudits de mes amis ; le hasard voulut qu’ils eussent, eux aussi, des papiers concernant la princesse. Je pus réunir ainsi un petit dossier, et dès lors il me sembla intéressant d’évoquer un instant cette figure de conspiratrice militante qui combattit si passionnément contre l’Autriche, et qui eut, comme ses compatriotes, tant à en souffrir. Car cette femme étrange connut les fortunes les plus diverses, traversa un temps troublé, et y joua des rôles actifs, tantôt brillans ou dramatiques, tantôt secrets ; elle fut tour à tour cette belle principessa milanese, Carbonaro, femme de lettres, exilée pauvre, mondaine fastueuse, tenant un salon célèbre, ou générale d’armée, empanachée, un drapeau à la main. Toujours errante à travers le monde, belle d’une beauté « somptueuse, » elle souleva l’enthousiasme des foules