Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/810

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été fiers et heureux !… Cette guerre sauvage, qu’elle a été obligée de subir est plus qu’une guerre nationale, plus même qu’une lutte de races. C’est une guerre philosophique : d’un côté, le militarisme érigé en dogme, la brutalité, le droit de la Force, le mensonge et l’hypocrisie ; de l’autre, l’amour de la paix, la loyauté, la défense de l’Honneur et du Droit, la raison, la justice et la liberté.

C’est un véritable soulagement pour mon cœur que de pouvoir, dans un organe français, manifester toute ma sympathie et exprimer tous mes vœux pour les Alliés et pour la grande cause qu’ils défendent. Avec fierté, je les exprime bien haut, malgré notre officielle neutralité. Neutralité militaire, neutralité politique, oui, c’est entendu. Mais neutralité individuelle, neutralité morale, jamais ! La France est la seconde patrie de tout être civilisé digne de ce nom. L’esprit, le cœur et la conscience se révoltent devant les crimes impies commis par les néo-barbares, pires que les anciens, car ils n’ont pas les mêmes excuses que leurs ancêtres des grandes invasions du Moyen Age.

Nous avons le droit, nous avons le devoir, dans ces circonstances tragiques et devant les attentats journaliers contre la Justice et contre la Charité, de laisser éclater sans réserve notre légitime indignation. Et nous sommes beaucoup ici qui estimons, — un conseiller national autorisé m’a déclaré être du même avis, — que la Confédération suisse aurait dû aussitôt protester, officiellement et à la face du monde, contre la violation scélérate de la neutralité belge. Moralement, et virtuellement, elle était atteinte aussi bien que la Belgique.

Pour demeurer fidèle à la vérité historique, il convient toutefois d’ajouter que, au début de la dernière session des Chambres fédérales, M. Henry Fazy, député de Genève au Conseil national, dont il présidait la séance d’ouverture en qualité de doyen d’âge, a prononcé des paroles émues à l’adresse de la Belgique martyre, et protesté contre la violation de sa neutralité. Mais c’était au Gouvernement, au Conseil fédéral qu’incombait, aussitôt connue l’invasion parjure du sol belge, l’initiative d’une protestation.

Des hordes innombrables de reitres ont été lancées pour « briser les os » de la France. Elles ont perpétré et accumulé des atrocités et des crimes si odieux que le nom allemand